Nous avons vu de nombreux extraits de films en rapport avec la question de l’intervalle. Voici quelques passages :
Lilas sur les Temps Modernes de Chaplin, 1936
La femme du pasteur et Charlot sont assis chacun à un bout du banc. on est d’abord en focale courte, puis on passe en focale longue et en plan plus rapproché sur chacun des deux par la suite. Les gargouillis accentuent la gêne et la caméra en désigne les auteurs en restant sur le personnage. Le chien, quant à lui appuie la gêne et donc la distance mentale (et donc la distance physique où ils aimeraient se toruver) en aboyant à l’origine du bruit.
Océane sur les 400 coups de Truffaut, 1959
L’intervalle est omniprésent dans le film. Le garçon ne cesse d epartir de chez lui. Mais c’est aussi avec les autres en général que l’intervalle se creuse. Par exemple, lorsqu’il est dans la maison de correction, il voit depuis la fenêtre son ami repartir sans avoir pu réduire l’intervalle qui les séparait, ni les obstacles.
C’est aussi un intervalle pur qui conclut le film quand le garçon court vers la mer et que la caméra le suit.
Marguerite F sur Brève Histoire d’amour, Kieslowski
Il y a un jeu entre le jeune homme voyeuriste et la femme observée. Les deux personnages sont très loin l’un de l’autre. Cet intervalle réel est rendu visible par l’emploi d’une focale courte dans un plan où le spectateur mesure toute la distance qui les sépare. Mais souvent, ils sont filmés en longue focale; ils semblent mentalement dans la même pièce.
On peut conclure qu’au cinéma, ce n’est pas la distance physique qui permet réellement d’éloigner ou de rapprocher des personnages. La façon dont est filmée la scène est extrêmement importante pour percevoir une distance mentale.
Angela sur A bout de course, Lumet
Quand le jeune homme est dans la classe de musique: la longue focale accentue dans ce passage son isolement. L’impossibilité qu’il a de choisir sa vie et de réduire l’intervalle avec les autres est montrée par la mise en scène: seul, dans un angle, filmé en gros plan en longue focale.
Léah sur L’argent de poche, Truffaut
Quand le petit Grégory va tomber: La mère et l’enfant ne sont pas ensemble dans le plan ce qui accentue l’intervalle et le sentiment de danger concernant l’enfant. La chute certaine du chat est une petite étape avant celle de l’enfant et prépare psychiquement le spectateur à une anxiété encore plus grande. L’alternance des plans où la mère cherche son porte-monnaie et descend l’escalier creuse encore physiquement l’intervalle avec l’enfant. Les changements de point de vue sur le public qui observe l’enfant suspendu à la fenêtre prêt à tomber dans le vide nous permettent de nous rendre compte de la hauteur, de la distance entre le sol et la fenêtre…