Nous voulions au départ réfléchir et penser l’exercice 3 autour d’un lieu dans lequel nous avions déjà tourné: le parking hélicoïdal. Nous avons divisé notre atelier en 2 groupes de 9 personnes. Chaque devait choisir une musique à partir de ce lieu. C’est un lieu que nous avions déjà exploré pour la réalisation de l’exercice 2. A partir de ce lieu, il était possible d’imaginer des sensations vécues , parcourues par le personnage par le biais de la musique choisie.
Le premier groupe de tournage: Luna, Cyprien, Roman, Anton, Erell, Camille, Loris et Romain.
Le 1er groupe a pu tourner dans le parking hélicoïdal. Ce lieu est vraiment particulier et ne laisse pas indifférent celui qui y rentre. On est frappé par la monumentalité de l’espace. Cela donne presque le tournis. Finalement, on pouvait faire émerger une sensation « d’espace » grâce à notre filmage.
Le tournage a cependant été difficile, car nous n’avions pas obtenu l’autorisation officielle. Nous avions juste l’accord du gardien du parking qui a gentiment mis à disposition sa loge pour entreposer nos sacs, notre matériel. Mais nous ne voulions pas déranger les usagers du parking qui étaient déjà habitués et un peu « exténués » à dire vrai par l’arrivée de visiteurs ou de curieux.
Pour la musique, le groupe avait réfléchi en classe à une musique « d’ascenseur », idée qui avait été émise par Loris, et adoptée par l’ensemble du groupe. Anton avait finalement proposé sur son téléphone une musique lui faisant penser à la proposition de Loris. Tout le monde est tombé d’accord sur ce choix. Mais lorsque nous sommes allés sur le lieu de tournage, cette musique ne collait plus forcément aux images finalement filmées.
Par contre, l’idée d’utiliser l’ascenseur s’est imposée assez rapidement. L’inspiration de la séquence d’ouverture de A serious man des frères Coen a été évidente. Au début, Luna attend devant l’ascenseur. La musique est d’emblée « in » car on voit son écouteur, puis on découvre petit à petit Luna pour finalement comprendre qu’on entend le son de ce qu’elle écoute. Enfin, une fois rentrée dans l’ascenseur, pendant la montée, la musique emplit l’espace au fur et à mesure, et devient de plus en plus « off ».
La sortie en vue subjective de l’ascenseur permet de faire découvrir le lieu au fur et à mesure de la progression du personnage.
Le dernier plan, où la caméra s’éloigne de Luna pour faire apparaître le lieu dans son immensité, a été tourné sur un autre jour de tournage après avoir vu les rushs. Il semblait qu’un plan manquait pour faire ressentir la monumentalité de l’espace.
En classe, en petits groupes convoqués à différentes heures, notre enseignante a montré un extrait d’Edward aux mains d’argent, la scène d’ouverture où on découvre le manoir si étrange. Le filmage fait ressentir l’espace comme intrigant, et rend le personnage minuscule face à cet ce lieu. Ainsi, lorsqu’on est retournés en petit groupe sur le lieu de tournage, l’idée était de faire apparaître en un plan Luna comme minuscule pour mettre en valeur l’espace. Plusieurs plans ont été essayés. Finalement Loris a filmé le plan en travelling arrière. On a dézoomé de notre personnage principal jusqu’à avoir le parking entier dans le cadre. On a trouvé que cela rendait bien. Au montage, la musique s’est imposée comme crescendo sur ce dernier plan.
Après le tournage, nous avons vu un extrait de Aga, un film bulgare qui se déroule dans le grand nord sibérien. Le dernier plan de ce film fait un peu penser au dernier plan de notre exercice.
C’est l’histoire d’un couple d’éleveurs de rennes en Iakoutie dans le grand nord qui vivent avec un mode de vie traditionnel. Leur fille est partie travailler dans une mine de diamants lointaine. Le père, Nanouk, entreprend un long voyage pour aller retrouver sa fille. Les retrouvailles se font très émouvantes à la fin, alors qu’on découvre le couple père/fille perdu dans l’immensité de la mine, symbole de modernité. La sensation d’immensité et de modernité, contraire à la culture traditionnelle des personnages principaux, est rendue par le magnifique travelling arrière final qui part des personnages en plan rapproché pour finalement les perdre dans un espace surdimensionné.
Le deuxième groupe de tournage: Alice, Véronique, Sophia, Antoine, Emilien, Camille, Fantine, Clémentine et Gaspard.
Au départ, le 2ème groupe devait aussi tourner dans le parking hélicoïdal. La réflexion en classe s’est faite autour de ce lieu. La musique a été choisie collectivement en fonction de ce lieu. Le choix s’est porté sur le vol du bourdon.
Cependant, nous avons dû changer nos plans car nous ne pouvions plus tourner dans le parking. On a alors penser à la serre du jardin des plantes comme dans l’exercice 2. L’idée est venue de quelqu’un en fuite, qui trouvait refuge dans la serre, et y éprouvait une sensation de relâchement, de bien-être après la course qu’il avait faite. Penser ensuite les plans dans un exercice qui devait durer 2 minutes devenait compliqué. Il fallait élaguer, faire des choix, se centrer sur quelque chose de moins difficile à tourner en quelques plans. Ne se centrer que sur la sensation en laissant de côté une narration trop lourde.
Enfin, le jour du tournage, nous avons appris que les horaires de notre tournage et ceux la serre ne correspondaient pas ce jour-là ! Il faisait super beau, mais avant de partir filmer au jardin des plantes, le plus proche, il fallait rebondir sur autre chose en un temps limité !! Ainsi, est venue collectivement l’idée de faire ressentir une présence pesante à un personnage assis sur un banc dans le parc. Sans grande conviction, nous sommes partis tourner vers 15h30/16h. Le temps de tourner notre premier plan, de s’installer, de répartir les rôles, le soleil commençait à tomber. En même temps, une belle lumière baignait le jardin à cet instant, et le vent soufflait dans les feuilles en créant une atmosphère particulière, tout aussi particulière que ce tournage chamboulé ! Nous commencions aussi à avoir froid. Djamila, notre intervenante, nous a alors proposé de sortir de cette impasse en profitant du moment présent. Il a alors été décidé que chacun allait filmer le plan permettant de ressentir cette atmosphère de fin de journée au parc, et qu’Emilien, notre personnage serait le vecteur de ces sensations.
Lorsqu’on a finalement regardé les plans d’Emilien sur le moniteur de retour, on s’est tout d’abord dit, qu’il était vraiment cinégénique, et que cela pouvait fonctionner !! On trouvait les gros plans sur son visage magnifiques, et on verrait avec les rushs ce que cela donnerait.
En classe, lorsqu’on a visionné collectivement, on était plutôt satisfaits du résultat malgré les turpitudes du tournage ! Les plans collaient bien avec le personnage, comme s’il ressentait tout ce qui était vu, et qu’on pénétrait dans sa sensation intérieure. La musique venait appuyer cela. On a gardé la musique choisie au départ, qui permettait de s’envoler avec le personnage, de rentrer dans une sensation déconnectée du réel.
Lorsqu’on s’est retrouvé en atelier entier en classe, on a vu l’extrait de Paris Texas dans lequel le personnage déambulait dans un paysage désertique. Il y avait un point commun avec notre travail, celui de la fusion entre le personnage et son environnement. Pour notre exercice, quand le visage d’Emilien devient flou, il se fond avec la superposition des arbres réalisée au montage, ou le plan sur l’eau.
Enfin, cet exercice peut aussi rappeler l’extrait du film de Van der Keuken « les vacances du cinéaste » où il filme son bonheur familial avec sa femme et sa fille; un bonheur rattaché à la sensation éprouvée grâce aux éléments de l’univers qui les entoure.