Archive pour le 09.2008

La Magnani aurait cent ans

samedi 27 septembre 2008

Lundi dernier, l’Istituto Italiano di Cultura de Paris (50 rue de Varenne-75007 Paris) organisait une rencontre sur le thème : Néoréalisme et Nouvelle Vague, dans le cadre d’un hommage à l’actrice Anna Magnani « L’insurgée » – dont on célèbre cette année le centenaire. Conviés par Rossana Rummo, la directrice, nous étions cinq à participer à ce débat : Jean A. Gili (universitaire, spécialiste du cinéma italien et délégué artistique du Festival de cinéma italien d’Annecy),  Giancarlo Governi (auteur d’un livre sur Anna Magnani : Nanarella), Vittorio Giacci (historien et critique de cinéma), Gilles Jacob (président du Festival de Cannes) et ma pomme.

Comment parler du lien entre Néoréalisme et Nouvelle Vague, sans évoquer Rossellini ? On peut considérer le Néoréalisme comme un mouvement esthétique, une manière de retourner vers la réalité, celle d’un pays détruit par la guerre, et d’imposer cette réalité sur l’écran. Mais le Néoréalisme fut aussi un geste politique radical, j’ose dire moral. Les films de Rossellini, De Sica, Visconti, De Santis, ont contribué à « sauver » l’image d’un pays qui, au sortir de la guerre, fut déchiré par la guerre civile et anéanti par le fascisme mussolinien. Le Néoréalisme fut en quelque sorte la projection morale et mentale qu’un peuple ou qu’une nation se donne pour, disons le mot, sauver la face. Ces cinéastes ont osé regarder la réalité en face sans tricher. Des films comme Rome ville ouverte, Ossessione ou La Terra trema ont regardé l’Italie défaite et lui ont apporté un supplément d’âme. Ce supplément d’âme était d’abord un supplément de réalité. D’où le terme de « néoréalisme ». C’est ainsi que l’Italie a retrouvé le chemin du grand cinéma.

La Nouvelle Vague, cela n’a rien à voir. Le point de passage, me semble-t-il, c’est Rossellini. Cela a d’abord fonctionné au charme. Les jeunes Truffaut, Godard, Chabrol, Rivette, sont tombés sous le charme de Rossellini. Et bien sûr de ses films (on sait l’impact qu’eut Voyage en Italie sur Rivette et Godard). En relisant la Correspondance de Truffaut (éditions Hatier, 1988), on le sent bien lorsque, de Venise où il couvre la Mostra pour les Cahiers du cinéma et surtout pour l’hebdomadaire Arts, Truffaut écrit à ses amis Rohmer et Charles Bitsch pour leur dire qu’il se rendra directement à Rome chez Rossellini, pour travailler à ses côtés. Rossellini, outre le charme, c’était le goût de la vitesse – ce dernier roulait en Ferrari, me confirme Vittorio Giacci -, le goût des belles actrices (Magnani, puis Ingrid Bergman), la culture, et bien sûr le talent et l’intelligence. Dans les années 50, son influence intellectuelle et artistique est énorme auprès de la jeune critique des Cahiers. Le paradoxe veut que cela coïncide avec une période où son influence est moindre en Italie. Mal aimé dans son pays, adulé en France. Je vous recommande de lire l’énorme biographie que Tag Gallagher : Les aventures de Roberto Rossellini, parue aux Éditions Léo Scheer dans la collection « Cinéma ». Des années et des années de travail, de recherches, de collecte de témoignage… Une somme.

La discussion fut agréable lundi dernier à l’Istituto, le courant passait bien, chacun apportant sa touche personnelle, avec un brin de nostalgie, pour rendre compte de l’histoire incroyablement féconde des relations entre le cinéma italien et le cinéma français. Plus de 2000 coproductions, rendez-vous compte ! Ce chiffre en dit long sur cette histoire d’amour qui passe par des visages d’acteurs. Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Catherine Deneuve, Monica Vitti, Jeanne Moreau, Jean-Louis Trintignant, Annie Girardot, Claudia Cardinale, Alain Delon, Jacques Perrin, Philippe Noiret, Gina Lollobrigida, Sophia Loren, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Elsa Martinelli, Silvana Mangano, Jacqueline Sassard, Renato Salvatori, Marina Vlady, Dominique Sanda, Fanny Ardant, Belmondo, Ventura, Anouck Aimée, Raf Vallone, Magali Noël, Bernard Blier, Jean Sorel, Catherine Spaak, Lea Massari, Serge Reggiani, Pierre Clémenti, etc., etc. Tous passaient la frontière des Alpes, dans un sens et dans l’autre, avec une facilité déconcertante. Période bénie. N’oublions pas que les films italiens étaient alors exclusivement postsynchronisés, ce qui facilitait les choses… Les producteurs italiens et français (Carlo Ponti, Georges de Beauregard, Anatole Dauman, Franco Cristaldi, Dino De Laurentis, Serge Silberman, Angelo Rizzoli, Pierre Braunberger, etc.) aimaient partager les risques… Temps béni des coproductions : Le Guépard, Le Mépris, mais aussi Fanfan la tulipe, Don Camillo, Le Carrosse d’or, La Dolce Vita, La Ciociara, Rocco et ses frères, La notte ou encore La Fille à la valise. Cette histoire de la coproduction franco-italienne, qui traverse les genres et les styles et couvre plus de cinquante ans d’histoire du cinéma, fait l’objet d’un livre conçu par Vittorio Giacci : Ciné (éditions Gallucci, avec le soutien de Cinecittà Holding), très illustré, avec des contributions de Gilles Jacob, Jean Gili, Jean-Michel Frodon, Vittorio Giacci…

Le soir même la Cinémathèque ouvrait l’hommage à Anna Magnani avec la projection du Carrosse d’or de Jean Renoir, en présence de Claudia Cardinale et du ministre italien de la culture. Gilles Jacob présentait un court film de montage d’extraits de films avec Magnani, Louve romaine, où l’actrice se montre tour à tour rieuse, belle, grave, en colère, chantante, éclatante, douloureuse, séductrice… Cet hommage se poursuit jusqu’au 28 octobre, à l’Istituto Italiano di Cultura et au cinéma Le Latina. Voir programmation complète sur : www.iicparigi.esteri.it

 

Marc Raynal, alias Maud Molyneux, alias Louella Intérim

samedi 20 septembre 2008

La nécro est parue aujourd’hui samedi dans la page carnet du Monde et de Libération : Marc Raynal découvert à son domicile le 16 septembre 2008. Nous l’avions appris il y a deux jours en lisant Libération : la disparition de Marc Raynal, alias Maud Molyneux, alias Louella Intérim, deux des pseudos sous lesquels il ou elle écrivait ses textes sur le cinéma ou sur la mode, dans le Libération des années quatre-vingt. Un éditeur devrait se soucier de les réunir en volume, en hommage à un critique rare et très talentueux, j’ose dire précieux. Les textes de Louella écrits sur un coin de table avec un style incroyablement singulier témoignent d’une période où le journalisme cinéma avait de l’allure, de l’insouciance, de l’élégance. Louella Intérim s’arrêtait sur un détail, prenait les films par un bout de ficelle comme personne n’osait le faire. Elle tirait un bout et toute la pelote… Du cousu main. Rien à voir avec le style provoc. Aucune agressivité envers le lecteur, juste l’envie enfantine et têtue de le surprendre ou de le guider dans le labyrinthe filmique par une entrée dérobée. Je vous recommande de lire le très beau texte de Gérard Lefort et Olivier Séguret dans Libération daté du 18 septembre : émouvant, plus qu’amical, impeccable. Louella Intérim connaissait le cinéma, il avait fréquenté la Cinémathèque, les salles de quartier, les ciné-clubs en noir et blanc de la télévision. Elle écrivait sur des films anciens comme s’ils avaient été faits la veille, niant le temps passé, ou devenant elle-même un personnage ou une figure à l’intérieur du tableau. La seule chose à faire serait de revoir Falbalas de Jacques Becker en pensant à Louella Intérim. Manière de noyer la tristesse dans celle du film. Salut.

Signalons la parution d’un ouvrage aux Éditions rue Fromentin, qui reprend un certain nombre d’écrits de Louella Interim/Maud Molyneux. Le livre a pour titre Parcours d’un journaliste esthète. Il s’ouvre par un chapitre, All about Maud, avec des commentaires de Gérard Lefort, Hélène Hazéra, Adeline André, Gilles Rimbault, Marie-Laure Weil-Raynal, Farid Chenoune, Pascal Thomas, Olivier Séguret, Claude chuzel et Serge Toubiana.

Voyage à Tokyo

jeudi 11 septembre 2008

 

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Cinq jours à Tokyo. En compagnie de Jacques Doillon. Pour y montrer treize films français, dont le dernier film du réalisateur : Le premier venu (voir mon blog du 18 mars 2008). Cette programmation intitulée « Trésors cachés du cinéma français » s’est faite au fil des semaines, avec M. Shiguéhiko Hasumi. Professeur de lettres, il a longtemps enseigné la littérature française du XIXe siècle à l’Université de Tokyo dont il fut le doyen, ses auteurs favoris étant Flaubert et Mallarmé ; critique de cinéma, cinéphile très pointu, auteur d’un ouvrage sur Ozu paru aux éditions des Cahiers du cinéma. La règle du jeu avait été fixée par The Asahi Shimbun, le grand quotidien japonais (plusieurs millions de lecteurs chaque jour !), organisateur de cette manifestation conçue à l’occasion du cent cinquantième anniversaire des relations entre la France et le Japon. Donc : 13 films français. Ni un de moins ni un de plus. Tous inédits au Japon. Un seul film par auteur. Telles étaient les contraintes posées par l’Asahi Shimbun. Après une longue partie de ping-pong avec M. Hasumi, notre choix s’arrêta sur : De Mayerling à Sarajevo de Max Ophuls (1939), Remorques de Jean Grémillon (1941), Dernier atout de Jacques Becker (1942), Les Anges du péché de Robert Bresson (1943), Donne-moi tes yeux de Sacha Guitry (1943), Les Dernières vacances de Roger Leenhardt (1947), Le Silence de la mer de Jean-Pierre Melville (1947), La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara (1956), Le Boucher de Claude Chabrol (1969), Un jeu brutal de Jean-Caude Brisseau (1983), Police de Maurice Pialat (1985), Triple agent d’Eric Rohmer (2003), et Le premier venu de Doillon (2008). Programmer ces « trésors cachés » revient à les exposer, à leur donner une chance d’exister, ici et maintenant, à Tokyo, dans une grande salle devant un public qui ne sait à peu près rien de ces films, mais qui manifeste une curiosité à leur égard. Ce temps d’exposition est bref, très relatif : le temps d’une manifestation de prestige. Mais qu’importe. On se rend compte que plus les développements de la technique donnent aux films les moyens d’exister (à travers le DVD et plus généralement l’offre numérique), moins les films anciens sont « visibles ». Le cinéma lui-même tend à devenir un « trésor caché », à s’effacer de notre mémoire. Le rôle des cinémathèques consiste à programmer ces trésors cachés. Ces 13 films ont été prélevés dans des catégories plus larges : les filmographies de chacun des 13 auteurs (Ophuls, Becker, Bresson, Melville, Chabrol, Pialat, etc.), et au sein de périodes différentes de l’histoire du cinéma français (de 1939 à nos jours). On peut entrer dans cette programmation par le nom de l’auteur. Mais il est aussi possible (et recommandé) d’y entrer film par film, un peu au hasard. L’essentiel est que cette rencontre entre le film et le spectateur d’aujourd’hui ait lieu. La présence à nos côtés d’un cinéaste contemporain, en l’occurrence Jacques Doillon, rend cette rencontre plus facile – cela s’est vu à Tokyo.

En parallèle, l’Institut franco-japonais de Tokyo organisait une rétrospective de films de Doillon. Doillon est connu au Japon, même si ses derniers films n’ont pas fait l’objet d’une distribution. Le cinéma français connaît quelques difficultés sur le marché japonais. Cela nous a été confirmé par tous les distributeurs rencontrés sur place. Entre autres par mon ami Hayao Shibata, qui distribua pendant des années les films de Godard, Rivette, Rohmer, Angelopoulos, Wenders, Jarmusch et autres valeurs sûres de la cinéphilie. Ponette est le dernier film de Doillon distribué au Japon : gros succès, les cinéphiles en parlent encore. On trouve d’ailleurs le film en DVD, ainsi que La Pirate. C’est d’ailleurs avec La Pirate que nous avons inauguré notre périple à Tokyo. Le film était projeté jeudi 4 septembre à l’Institut franco-japonais. Abi Sakamoto, en charge de la programmation au sein de l’Institut, m’a demandé de dire quelques mots à propos de Doillon et de son cinéma, et de ce film en particulier.

asahi3.jpgUn souvenir me revient : 1984, je faisais partie du comité de sélection des films français pour le Festival de Cannes. Je m’étais battu pour que La Pirate soit en compétition officielle. Cela occasionna quelques polémiques, le film reçut un accueil mitigé. Doillon en garde le souvenir d’avoir été refusé, comme d’autres cinéastes qu’il aime ou admire (Bresson, Eustache…). Après la projection, un dialogue très vivant mené par Yoichi Umemoto (qui enseigne le cinéma à l’université, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma-Japon), entre Doillon et une jeune cinéaste dont on nous a dit beaucoup de bien : Nami Iguchi. Elle a réalisé deux films dont elle nous a offert les DVD. Son deuxième film a pour titre : Sex is No Laughing Matter (d’après un roman de Naocola Yamazaki, qui a connu un grand succès au Japon), un film très défendu par M. Hasumi et par Yoichi Umemoto. Notre séjour à Tokyo commençait bien. Le lendemain, vendredi 5, nous étions dans la grande salle de l’Asahi Hall, dans un building-Centre commercial situé à Ginza, un des quartiers de Tokyo. Le premier venu inaugurait le cycle des « Trésors cachés du cinéma français ». 500 personnes assistèrent à la projection. Très bon accueil. Doillon signa des autographes à des spectateurs, et surtout spectatrices d’une très grande gentillesse.Le lendemain il donnait une master class à Eigabigakko, une école de cinéma que dirigent deux cinéphiles accueillants : Kenzo Horikoshi et Masamichi Matsumoto. Doillon répondait aux questions très affûtées d’un cinéaste japonais, Akihiko Shiota, admirateur de son œuvre. Je vous livre quelques notes prises au cours de cette leçon de cinéma, prononcée d’une voix douce par notre ami Jacques D., dont les propos étaient traduits au fur et à mesure par l’excellente Miss Yuko Fukuzaki, la meilleure interprète japonaise – l’avis est unanime. Doillon : Les personnages : ne pas en savoir plus sur eux. Ne pas être comme un marionnettiste qui les manipulerait ; s’approcher d’eux autant qu’eux s’approchent de moi (le cinéaste). A propos de L’Amoureuse : il y avait un scénario, mais dès le début du tournage, se rend compte qu’il était nul. Fait appel à Jean-François Goyet ; récrit deux scènes par jour, glissées le soir sous la porte des acteurs. Aucune indication scénique. Ne pas savoir comment ça va se tourner. « Je ne sais pas grand-chose, je ne vois rien, j’écoute un peu aux portes ». Tentative de dialogue entre des personnes que j’apprends à connaître. Le premier venu : c’est l’histoire d’un personnage qui en regarde un autre. Le film est l’histoire de ce regard. « Ce n’est pas un cinéma de l’évitement : ça se frotte par tous les côtés. On ne se sert pas du regard comme on se sert du langage et du corps, pour exprimer ses sentiments. Comme au billard : il y a trois boules, on en envoie une, et on espère qu’elles vont se toucher un peu. Il faudrait enseigner le billard dans les écoles de cinéma. ». Pour Doillon, le grand jeu a lieu pendant le tournage ; ce plaisir commence, et c’est davantage qu’un plaisir. Le choix des acteurs demande du temps. Ce n’est pas parce
que la scène est écrite que l’on sait quelque chose. C’est durant le tournage que la scène trouve sa forme. Faire bouger les acteurs sur le tournage : trop de choses passent par les dialogues. Faire du cinéma c’est tenter une petite chorégraphie avec ces corps d’acteurs. Dans Le premier venu, Costa (Gérald Thomassin) ne tient pas en place. L’enjeu consiste à l’accompagner dans sa manière de ne pas tenir en place. Quand je vais au cinéma je suis frappé de voir que les acteurs/personnages sont toujours déjà en place. J’ai été élevé dans les années cinquante et soixante dans l’amour du cinéma américain : celui de la profondeur de champ (il cite L’Héritière de William Wyler). Aujourd’hui on fait le point sur le personnage central, les autres sont dans le flou. Mais j’ai parfois envie de regarder celui qui est dans le flou… Question posée à Doillon sur l’importance du costume, par exemple celui du personnage du policier dans Le premier venu (Guillaume Saurrel). Réponse : Il faut d’abord que ce soit une personne, dans un second temps un policier. Si c’est d’emblée un policier, il n’y a pas de film. Pourquoi tourner dans la chronologie ? Sinon les films ne sont que l’exécution de leur scénario. L’intérêt c’est que cela laisse la possibilité à un personnage de bouger. Importance de filmer musicalement. Le plan séquence. Problème : comment raccorder entre la prise 14 et la prise 17, quand on a laissé les acteurs à tel niveau d’intensité dans l’une, et qu’il faut « raccorder » avec un autre moment dans la prise suivante ? Problème de montage. Mais pas seulement. Répéter avec les acteurs, faire un grand nombre de prises : le saisir entre la fatigue et l’épuisement. Il en faut des prises. On ne refait pas la prise, on en fait une nouvelle. En moyenne dans mes films : entre 15 et 20. a un moment, ils savant quoi faire et quoi dire, à partir de là on peut faire quelques bonnes prises, même si on n’est pas là pour faire des bonnes prises, mais pour faire beaucoup mieux. Notre métier c’est d’aller chercher du côté de l’invisible. Et Doillon termina en posant cette question pertinente : pourquoi n’y a-t-il pas de jeunes acteurs (et actrices) dans les écoles de cinéma ?

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Le dimanche 7 septembre, la salle de l’Asahi Hall était archi pleine (700 personnes) pour assister à un débat auquel j’étais convié par M. Hasumi, suivi d’une conversation entre Shinji Aoyama (auteur entre autres de Eureka en 2000) et Jacques Doillon. Après avoir exposé les raisons et les choix de cette programmation des « trésors cachés du cinéma français », j’écoutais avec curiosité le dialogue entre Doillon et Aoyama, traduit par Miss Yuko Fukuzaki. Les propos d’Aoyama furent d’une rare intensité, lorsqu’il déclara que sa génération (il est né en 1964) avait été influencée par trois cinéastes français : Eustache, Garrel et Doillon. « Ils nous ont appris ce qu’était le cinéma. Le modèle c’était la France, la génération de Jacques Doillon. Faire des films à petit budget représentait une alternative dans le cinéma. Faire un film comme Ponette, avec une fillette de quatre ans : c’est un film que nous n’aurions jamais pu faire ni imiter : un miracle ! ». A entendre leur dialogue, on se dit qu’il est toujours utile, nécessaire et ô combien agréable de voyager avec des films. On ne sait jamais, il y a peut-être dans la salle, à Tokyo ou ailleurs, un cinéphile en herbe, futur cinéaste, qui en fera son miel. Cela donnait en tout cas tout son sens à cette programmation de la Cinémathèque française à Tokyo.

Merci à M. Takashi Matsuura et à l’Asahi Shimbun ; à M. Shiguéhiko Hasumi ; à Abi Sakamoto, Michi Tamura, et l’Institut Franco-Japonais de Tokyo ; à Lucie Bréthomé, attachée audiovisuelle, et à l’Ambassade de France au Japon ; au Ministère des Affaires étrangères ; à Valérie-Anne Christen, directrice du bureau Unifrance à Tokyo, et à tous nos amis Japonais sans qui cette manifestation n’aurait pu être possible. Salut à Mme Tomoyo de La jetée. A Nobuhiro Suwa, membre fondateur du « Club des ultra marginaux ». A miss Yuko Fukuzaki, infatigable interprète – « notre voix japonaise » -, animatrice inconditionnelle du fan club de Chris Marker. A Hayao Shibata. Avec le soutien d’Agnès b., de Cinefil Inc., du Club Tourisme International Inc, Air France, Japan Community Cinema Center, Pia Corp., Pandora et au Centre Culturel français Athénée. Enfin à Emilie Cauquy, chef du service de la diffusion culturelle au sein de la Cinémathèque française, qui fut du voyage et manifesta un enthousiasme communicatif (elle parle déjà le japonais !).

Une saison d’enfer

lundi 1 septembre 2008

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Avec Costa Gavras (président de la Cinémathèque), nous avons annoncé ce matin lors d’une conférence de presse ce que seront les grandes lignes de la Saison 2008-2009. Programmation que nous avons voulue riche, équilibrée, stimulante. Ouverte à un large public. A nos côtés, Jean-François Rauger (directeur de la programmation) a dévoilé les axes principaux de cette programmation, qui s’est ouverte avec la rétrospective consacrée à Mitchell Leisen (depuis le 27 août, jusqu’au 2 novembre). Ensuite : Spike Lee (du 3 au 28 septembre, avec un moment fort : la présence de Spike Lee à la Cinémathèque le 12 septembre). Ces deux programmations se font en partenariat avec le Festival de cinéma américain de Deauville. A partir du 1er octobre : hommage à un directeur de la photographie, Pierre Lhomme. Il a travaillé aux côtés de Melville (L’Armée des ombres), Jean-Paul Rappeneau, Chris Marker, Alain Cavalier, Philippe de Broca, Jean Eustache (La Maman et la Putain), Marguerite Duras, Benoit Jacquot, Daniel Duval, Patrice Chéreau, Claude Miller… Une magnifique trajectoire de la lumière. Hommage à une actrice : Juliette Binoche, en même temps qu’elle sera sur scène au Théâtre de la Ville (en novembre 2008) dans un spectacle de danse du chorégraphe Akram Khan. Une programmation dédiée à la mémoire d’André Bazin, mort à l’âge de 40 ans, en novembre 1958, il y a donc tout juste 50 ans.

A partir de janvier 2009, quelques programmations fortes : hommages à Danielle Darrieux, Alain Tanner, Michel Legrand, John Landis, André Téchiné, Joris Ivens, Cy Enfield, Cecil B. DeMille, Laurel et Hardy, Luis Buňuel, au producteur Alain Sarde, ou encore à William Castle.

Deux grandes expositions temporaires pour cette Saison 2008-2009.

La première, à partir du 15 octobre 2008, sera un événement autour de Dennis Hopper. Une exposition (« Dennis Hopper et le Nouvel Hollywood ») lui sera consacrée, ainsi qu’une programmation de ses films (ceux qu’il a réalisés, en tout premier lieu Easy Rider) et ceux dans lesquels il joue comme acteur (de Nicholas Ray à Abel Ferrara, en passant par Wenders, Coppola, Lynch ou Sean Penn – la liste est longue). L’envie d’exposer Dennis Hopper m’est venue il y a quatre ans. Je me suis retrouvé un soir chez lui à Venice (Californie), par l’entremise de mon ami Pierre Edelman. J’ai découvert l’univers intime de Hopper, sa collection incroyable de tableaux (de ses amis Warhol, Basquiat, Ed Ruscha ou Schnabel), mais aussi ses nombreuses photos. C’est là qu’est né le projet d’une exposition. Dennis Hopper sera là dès le début du mois d’octobre, participera à l’accrochage et au vernissage. Un beau moment en perspective. Matthieu Orléan est le commissaire de cette exposition, et Nathalie Crinière en assure la scénographie. Du 15 octobre 2008 au 19 janvier 2009. Avec le mécénat de Canal Plus.

L’autre exposition de la Cinémathèque, durant cette saison, sera consacrée à Jacques Tati : deux temps trois mouvements (Printemps 2009). La commissaire-scénographe, Macha Makeïeff, a exposé ce matin, avec beaucoup de sensibilité et de finesse, les grandes lignes d’un projet qui sera à coup sûr très original. Aidée de Stéphane Goudet, elle nous invite à visiter l’univers cocasse du génial Tati, en jouant sur les diverses influences qui ont traversé son œuvre : le design, les arts graphiques, le culte des objets insolites, l’art forain, le burlesque, l’amour du cirque. Le visiteur retrouvera au cours du parcours les sensations sonores et visuelles du monde selon Tati.

Les conférences reprennent (pour accompagner l’exposition et la programmation consacrées à Dennis Hopper), de même que le Ciné-club de Jean Douchet (à partir du 29 septembre, autour du cinéma américain contemporain), les conférences du Conservatoire des techniques cinématographiques (la prochaine, le 3 octobre, avec un intervenant de poids en la personne de Jean-Pierre Beauviala), L’Expérience-Cinéma, autour de Pierre Lhomme (le dimanche 5 octobre), les ateliers et les visites guidées. L’exposition consacrée à Georges Méliès est à nouveau ouverte au public (déjà 30.000 visiteurs). Le Musée de la Cinémathèque fait l’objet d’une innovation avec l’installation d’un audio-guide, qui aidera le visiteur à mieux circuler parmi les objets, costumes, appareils et affiches qui appartiennent au trésor de la Cinémathèque. Enfin, last but not least, la bibliothèque du film est, depuis le samedi 30 août 2008, ouverte le samedi : de 13 h à 18h30. La Cinémathèque s’est mise en quatre, et sur son trente et un, pour satisfaire son public. A vous maintenant d’en juger. Je vous invite à découvrir le dossier de presse de la rentrée de la Cinémathèque française, mis en ligne.