Archive pour le 06.2009

Costumière de Michael Jackson

dimanche 28 juin 2009

John et Deborah Landis m’envoient un lien que je transmets aux lecteurs de mon blog. Il s’agit du site internet frocktalk.com, exclusivement dédié aux costumes de cinéma. Vous y lirez un entretien avec Deborah Nadoolman Landis, réalisé le 27 juin, juste après l’annonce de la mort de Michael Jackson à Los Angeles.

Costumière de cinéma (elle a notamment travaillé avec Steven Spielberg et John Landis), Deborah Nadoolman Landis enseigne à l’université l’histoire du costume. Dans cet entretien elle évoque sa collaboration avec John Landis, réalisateur du fameux clip Thriller en 1982 ; c’est elle qui dessina les costumes de Michael Jackson, qui illustrent l’entretien. Elle évoque de manière très émouvante sa relation amicale avec le chanteur et danseur, star de la pop, disparu jeudi dernier à Los Angeles.

http://frocktalk.com/?p=894 

Bonne nouvelle pour Pierre Etaix !

vendredi 26 juin 2009

Le Tribunal de grande instance de Paris (3è chambre) a prononcé ce matin la nullité du contrat de cession de droits qui liait depuis 2004 Pierre Etaix à la société Gavroche Productions, ainsi que l’irrecevabilité de la partie adverse contre la Fondation Groupama Gan pour le Cinéma, à laquelle il était reproché d’avoir procédé à la restauration de Yoyo en 2007. Gavroche Productions, qui demandait 1,4 million d’euros de dommages et intérêts à la Fondation Groupama Gan, considérant que cette restauration constituait un préjudice à l’exploitation du film, a donc été débouté de ces poursuites. Le TGI a condamné Gavroche Productions à verser dix mille euros de dommages et intérêts à la Fondation Groupama Gan pour procédure abusive.

C’est donc une excellente nouvelle pour Pierre Etaix, et pour son ami et coscénariste Jean-Claude Carrière. Car il sera enfin possible de revoir bientôt les films de Pierre Etaix. Une pétition récente a été signée par plus de 50 000 personnes, soutenant le combat de Pierre Etaix pour recouvrir ses droits. 

Frédéric Mitterrand, cinéphile et ministre

jeudi 25 juin 2009

Je n’ai rien « posté » sur mon blog depuis le dernier, qui concernait Pedro Almodóvar. Vous allez imaginer que j’étais en vacances quelque part, à ne rien foutre. Faux, archi-faux ! Je bossais, essayant de mettre un peu d’ordre dans ma tête et dans mes affaires. En juin, j’ai fait un détour par Vienne, en Autriche, pour présenter Lola Montès restauré et parler de la cinéphilie aujourd’hui. Par l’Institut Lumière, à Lyon, pour parler de Truffaut devant un public chaleureux et enthousiaste. Renouer avec mon blog aujourd’hui m’impose de commenter la nomination de Frédéric Mitterrand hier comme ministre de la culture et de la communication. J’ai tout d’abord une pensée amicale envers Christine Albanel, qui a toujours fait preuve d’une grande sympathie et de ses encouragements envers la Cinémathèque française. Sa dernière visite rue de Bercy était motivée par son désir de découvrir l’exposition consacrée à Jacques Tati (elle dure jusqu’au 2 août, pour les retardataires). La ministre l’avait trouvée remarquable et je ne doute pas de sa sincérité. Elle n’a pas eu la tâche aisée, d’abord avec la réforme de l’audiovisuel public, ensuite avec la préparation de la loi Hadopi contre le téléchargement illégal, présentée devant l’Assemblée et recalée, puis adoptée et à nouveau en partie recalée, cette fois sur décision du Conseil constitutionnel. Etre ministre de la culture n’est pas (ou plus) une sinécure ; cela implique d’accepter ce genre de CDD de deux ans maximum. Depuis 2002, trois ministres se sont succédé à ce poste – Jean-Jacques Aillagon, Renaud Donnedieu de Vabres et Christine Albanel – et leur mandat respectif n’a pas excédé deux années. Or l’impulsion culturelle mériterait une longévité plus ample, le temps de mettre en chantier quelques projets, de les accompagner et de les voir émerger. Sans quoi tout n’est qu’éphémère. Mais le temps politique s’est considérablement raccourci, pour se caler sur le temps médiatique : effets d’annonce, gestion délicate de dossiers difficiles ou impopulaires (tel celui concernant le téléchargement illégal), recyclage au bon vouloir d’un président omniprésent, et calé sur l’air du temps et le niveau des côtes de popularité.Frédéric Mitterrand est un homme très fin et cultivé, et j’ai pour lui la plus grande sympathie. Nos chemins se sont souvent croisés depuis la fin des années soixante-dix, du temps où il s’occupait de manière militante et obstinée de salles Art et Essai dans le 14è arrondissement – les « Olympic » – et qu’il distribuait des films indépendants, comme ceux de Werner Schroeter. C’est un cinéphile ouvert et éclectique, dont les horizons s’élargissaient au cinéma égyptien des années 40 et 50 ou aux films de Sara Montiel, à qui nous avions ensemble rendu hommage dans le cadre du Festival d’automne en 1982. Cette même année il y avait une intégrale Luis Buñuel (la même que celle qui se tient en ce moment à la Cinémathèque française, jusqu’au 2 août), une autre consacrée à Hans-Jürgen Syberberg. Mais l’expérience professionnelle de Frédéric Mitterrand dépasse le seul cinéma. Il a réalisé quelques films (on se souvient de Lettres d’amour en Somalie ou de son Madame Butterfly, produit par Toscan du Plantier), des émissions de télévision sur le cinéma (« Étoiles et toiles »), des émissions de variétés, il est passé par la radio (d’abord Europe 1, puis France Culture), il a écrit des livres, réalisé des documentaires télévisés, etc. Pour avoir été reçu quelques fois dans ses émissions, je garde le souvenir de sa gentillesse, de sa passion et de son écoute. Il est, au bon sens du terme, un touche-à-tout, c’est-à-dire un curieux. J’ose dire un aventurier. Rarement un ministre de la culture aura présenté un tel pedigree.

Devenir ministre, il le sait mieux que quiconque, implique d’endosser un autre costume (politique), pour être à même de défendre une certaine idée de la culture et pour relever de sérieux défis : protéger le film, le livre ou le disque, des terribles dangers qui les menacent d’une simple disparition. On lui souhaite sincèrement bonne chance. Frédéric s’appelle Mitterrand. Le patronyme a valeur symbolique, pour lui davantage que pour quiconque. Il est assez lucide pour le savoir, et déjouer le piège du « nom du père » (en l’occurrence, celui de son oncle). Il a du pain sur la planche et cela va l’occuper avec ardeur. Et du style. L’homme n’en manque pas.         

 

Almodóvar au Quartier latin

mercredi 3 juin 2009

Hier soir Jean-Max Causse m’a convié dans sa salle, la Filmothèque du Quartier latin (rue Champollion) pour présenter Los Abrazos rotos de Pedro Almodóvar. Il y avait peu de monde, ce qui ne m’a pas gêné, même si je trouve regrettable que le public ne réserve pas un meilleur accueil à ce nouveau film du cinéaste madrilène. Jean-Max Causse m’expliquait que le film est sorti avec quatre copies au Quartier latin, ce qui lui paraît excessif. Il a sans doute raison. Mais quand un film marche ou répond à une attente du public, celui-ci trouve aisément le chemin des salles. Cela ne semble pas être le cas. Il y a donc d’autres raisons qui me paraissent obscures. Or Los abrazos… est un film typiquement « almodovarien », qui affirme un goût immodéré pour les sentiments et les passions qui s’expriment ici dans un apparent désordre narratif, lequel m’est apparu lors d’une deuxième vision du film totalement logique et organisé. Cohérent. Ce film est tressé, noué, imbriqué autour d’un thème qui est le temps. Le temps de la vie et le temps du deuil. Le temps de l’amour et le temps des remords. On sait qu’Almodóvar aime les histoires en gigogne, leur emboîtement comme des poupées russes : une histoire en enferme une autre, qui en cache une troisième. Et ainsi de suite. C’est sa manière à lui de se «mettre à distance», et de profiter du dédoublement de ses personnages (Lluís Homar, le héros masculin, se présente d’emblée sous le double patronyme de Mateo Blanco et Harry Caine) pour investir une part de lui-même en chacun d’eux. Je suis persuadé que Almodóvar se dissimule à peine derrière chaque personnage du film et qu’il les assume tous dans une sorte de projection (senti)mentale de lui-même. Hommes et femmes, jeunes et vieux, les deux sexes confondus. Le long monologue de Judit, la directrice de production et ancienne maîtresse de Mateo, à la fin du film, est admirable car il pourrait être celui de n’importe qui, homme ou femme, passant à côté de l’amour et de la chance, capable du pire, de trahir, de se venger d’avoir à supporter le bonheur vécu par d’autres. Les personnages réels (Mateo est scénariste, Lena secrétaire) deviennent les figures d’une histoire plus grande qu’eux (lui cinéaste, elle star du film dans le film), plus vaste, prenant la forme d’une tragédie. Chez Almodóvar, la fiction embrase tout, elle dévore les personnages à force de les aimanter. Almodóvar aime le cinéma et cela inclut généreusement celui des autres. La Filmothèque du Quartier latin a bien raison de programmer simultanément plusieurs films choisis par le cinéaste (ainsi que la Cinémathèque française l’avait fait en 2006, lors de l’exposition consacrée au cinéaste) : Désirs humains de Fritz Lang, Sabrina de Billy Wilder, Le Narcisse noir et Le Voyeur de Michael Powell et Emeric Pressburger, Rocco et ses frères de Visconti, Mirage de la vie de Douglas Sirk, La Bête humaine de Renoir, L’Aurore de Murnau, etc. Dans son film les références abondent, discrètes ou affichées. Ainsi Penélope Cruz se fait appeler Séverine, dans sa double vie de prostituée de luxe, au début du film. Séverine, on s’en souvient, était le prénom de Catherine Deneuve dans Belle de Jour de Luis Buñuel. Quoi de plus naturel pour Almodóvar que de dire en filigrane son admiration pour un illustre compatriote. Il y a ce moment de grand bonheur, lorsque Lena et Mateo/Harry Caine se réfugient dans les magnifiques paysages de Lanzarote, on les voit regarder, enlacés sur un canapé, Voyage en Italie de Rossellini (également programmé par Jean-Max Causse). Lena a les larmes aux yeux, ce qui prouve qu’elle est sensible aux belles choses ; Mateo/Harry Caine en profite pour brancher l’appareil photo afin de saisir ce moment pour l’éternité. Il ignore, hélas, que ce moment sera bientôt pour lui un souvenir d’une grande tristesse. D’autres scènes sont filmées à la manière d’Hitchcock (celle de l’escalier), le film dans le film fait penser à La Nuit américaine de Truffaut, les moments de mélo renvoient à Douglas Sirk, et le personnage boutonneux qui ne cesse de filmer la belle Lena, comme le ferait une caméra de surveillance, fait penser au Voyeur de Powell et Pressburger, ou au film de Kieslowski Amateur. L’amour du cinéma chez Almodóvar est assez large pour accueillir tout ce monde, mais rien ne me semble plaqué ou factice, les références se présentant comme des clins d’œil discrets au spectateur. Almodóvar assume d’être un cinéaste nourri de cinéma, et qui fait ses films de manière indépendante, après que d’autres (on a cité quelques noms) en aient fait à leur époque. Le cinéma a pris conscience de sa propre histoire et de ses généalogies. Almodóvar n’a pas peur des sentiments, disais-je hier en présentant le film. Il en fait sa matière, il les étire, les traite et les maltraite, il les retourne contre eux-mêmes. Un moment de suspens étonnant, magnifique : celui où Lena, enlevée et séquestrée par son vieux mari, Ernesto Martel (José Luis Gómez), qui l’oblige à passer un week-end à Ibiza où le couple ne quitte pas le lit ; ils font l’amour sous un drap, leurs corps recouverts du drap blanc ressemblent à ceux que découvrent Ingrid Bergman et George Sanders dans cette fameuse scène de Voyage en Italie, un couple enlacé saisi dans cette posture pour l’éternité par les laves du volcan ; le visage ébouriffé de Penélope Cruz sort du drap, elle demeure un instant assise au bord du lit, l’homme ne bouge plus, il est comme saisi par la mort, elle fait mine de rien, allume une cigarette, se lève pour aller s’asperger d’eau et revient maquillée, le mari soudain l’enlace par derrière : on devine qu’elle a espéré sa mort, et lui a tout compris de son désir secret. Tout est noué, disait-t-on, comme dans un pacte secret qui lie entre eux les personnages du film. Penélope Cruz est exceptionnelle, tour à tour belle et splendide, rieuse ou en pleurs, tantôt défigurée, prenant la lumière comme personne ; son visage ne cesse de bouger, son corps de s’étirer plastiquement ou élastiquement comme celui d’un personnage de bande dessinée. Il y a entre elle et Almodóvar, cela se voit sur l’écran, une telle confiance, un tel don ou abandon, dans une relation de réciprocité, que l’actrice se sent libre de tout faire et de tout jouer, les émotions les plus banales comme les passions les plus physiques. Pour elle, rien que pour elle, le film vaut d’être vu.