Archive pour le 05.2010

La mort de Dennis Hopper

samedi 29 mai 2010

La radio m’appelle vers 19 heures pour m’annoncer la mort de Dennis Hopper. Difficile de réagir en direct. D’abord un sentiment de grande tristesse, même si je savais par Pierre Edelman, qui était il y a trois semaines à peine au chevet de son ami Dennis, que les jours de ce dernier étaient comptés. Je dis au téléphone, en quelques minutes, tout ce qui me passe par la tête : le regard intense et amical de Dennis Hopper, sa profonde gentillesse, sa douceur et sa sincère reconnaissance lorsque nous l’avions accueilli, en octobre 2008, à la Cinémathèque française, lors de l’inauguration de l’exposition qui lui était consacrée : « Dennis Hopper et le Nouvel Hollywood ». Je me souviens de ses larmes, de son incroyable émotion lorsqu’il avait été décoré, le soir du vernissage, par Christine Albanel, alors ministre de la Culture, de l’insigne de commandeur des Arts et Lettres. Ce n’était pas grand-chose, j’ose dire le minimum que l’on devait à cet artiste, et il en était bouleversé. Pour lui et pour nous, sa vie d’acteur et de cinéaste, d’artiste et de collectionneur, de mythe de la contre-culture américaine, d’aventurier et de rebelle, tout cela prenait sens et faisait sens. Sa vie pleine de fureur et d’éclats, de luttes et de combats, souvent perdus, parfois gagnés, à travers les multiples expériences et les passages à vide (l’alcool, la drogue, les multiples descentes aux enfers), et cette capacité qu’il avait à chaque fois de renaître et de repartir à l’assaut, tout cela pour nous et pour lui prenait sens.

J’ai eu la chance, grâce à Pierre Edelman, d’aller une première fois chez Dennis Hopper, dans sa belle maison de Venice sur Indiana Avenue. C’était il y a dix ans. J’avais été impressionné par les œuvres multiples accrochées aux murs (Warhol, Rauschenberg, Basquiat, Roy Lichtenstein, Ed Ruscha, David Salle, Schnabel…) et les photographies de Dennis Hopper, par dizaines, rangées dans le désordre contre les murs. L’idée est née d’une exposition qui rendrait compte de ses multiples talents, de ses multiples vies. Celle de l’acteur légendaire (l’ami de James Dean, puis le rebelle qui osa s’affronter aux système des studios hollywoodiens), le réalisateur de Easy Rider, le film qui en 1969 ouvrit une brèche dans le système, dans laquelle s’engouffrèrent la plupart des jeunes cinéastes talentueux qui allaient prendre le pouvoir dans les années 70, le collectionneur et le photographe.

Plusieurs fois je suis revenu à Venice, avec Matthieu Orléan et Pierre Edelman. Les séances de travail se déroulaient dans le calme, Dennis nous ouvrait ses archives, nous montrait les dernières photos qu’il avait réalisées. Peu à peu l’exposition prenait son sens, et allait faire découvrir au public les multiples facettes de cet homme hors du commun. Pour le convaincre, nous l’avions invité à visiter l’exposition consacrée en 2006 à Pedro Almodovar. Elle lui avait beaucoup plu. Je lui avais présenté Nathalie Crinière, la scénographe, en lui disant qu’elle serait enchantée de travailler à nos côtés. C’est ainsi que tout a démarré. Matthieu Orléan a été le commissaire de cette exposition, Nathalie Crinière y a mis son talent. Ce dont je suis sûr, c’est que Dennis Hopper était enchanté et ému de cette expérience.          

Que restera-t-il de Dennis Hopper ? Comment expliquer le fait qu’il ait été si heureux, si bouleversé, il y a à peine quelques semaines, pour ce qui fut je crois sa dernière sortie publique à Los Angeles, d’aller poser son empreinte sur Hollywood Boulevard, comme l’ont fait avant lui tant de stars du cinéma ? Peut-être parce qu’enfin, Hollywood le reconnaissait comme l’un des siens. Lui qui a passé sa vie « contre », à se rebeller contre un système économique contraignant, à imaginer d’autres voies pour vivre et travailler librement. Pourquoi voulut-il, me confie Pierre Edelman, se rendre une dernière fois à Taos avec ses enfants, Taos le lieu du repos, régénérateur spirituel, où il avait autrefois une maison, lorsqu’il fuyait Hollywood.

Pour Dennis Hopper, la forme artistique de prédilection aura été le collage. Sans doute sous l’influence d’une rencontre décisive en 1963, à Pasadena, avec Marcel Duchamp. Dans sa maison, j’avais été frappé par ce panneau : « HOTEL GREEN ENTRANCE », avec en dessous un doigt pointé vers la gauche. Un simple panneau d’indication volée dans un hôtel de Pasadena, mais signé discrètement par Duchamp et Hopper, scellant d’une certaine manière leur filiation. Dennis Hopper lui-même a réalisé de très beaux collages, dont certains furent exposés à la Cinémathèque en 2008. Mais sa vie même est un collage, un ensemble hétérogène de moments et d’événements, une somme de contraires. L’acteur mythique proche de James Dean, le rebelle de la contre-culture, le militant hippie des années 60 psychédéliques, le cinéaste (outre Easy Rider, il faut citer The Last Movie, autre film culte, Colors), l’acteur de quelques films qui resteront (Apocalypse Now, L’Ami américain, Blue Velvet…), le photographe qui s’est immergé, dès le début des années soixante, dans le milieu du Pop Art, devenant l’ami de Warhol, de Rauschenberg, de Ed Ruscha et de Raymond Pettibon, le collectionneur passionné. Ce qu’il restera de Dennis Hopper, ce sont toutes ces vies en une seule, ce mélange détonnant, en un mot ce collage.

Une citation pour terminer ce trop bref hommage. Dennis Hopper : « Un jour sur le tournage de Géant (Giant, George Stevens, 1956), James (Dean) est venu me regarder jouer dans une scène que je tournais avec Rock Hudson. L’après-midi suivant, il me dit : “ Je t’ai vu jouer ta scène. Tu étais génial. J’aurais aimé que John Barrymore soit là et puisse te voir.” J’ai commencé à avoir les larmes aux yeux, et lui : “ Si tu as besoin de pleurer au cinéma, n’oublie pas de quitter le plan. Cela sera beaucoup plus fort pour le public. Si tu pleures, sors de la pièce.” C’est ce que j’ai fait avec The Last Movie : créer de la frustration pour susciter l’émotion ». (Extrait de l’entretien avec M. Orléan, dans le catalogue de l’exposition « Dennis Hopper et le nouvel Hollywood », édité par Skira Flammarion et la Cinémathèque française).

Adieu, cher Dennis Hopper. Et permets-nous de quitter la pièce.

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Jafar Panahi est sorti de prison

mardi 25 mai 2010

Jafar PananiLe cinéaste iranien Jafar Panahi est sorti de prison aujourd’hui, à la suite de la décision du Tribunal de Téhéran exigeant sa mise en liberté sous caution. C’est une excellente nouvelle pour cet homme de 49 ans, qui avait commencé il y a une semaine une grève de la fin pour protester contre les conditions de sa détention. Une excellente nouvelle pour sa famille et ses proches, mais également pour tous ceux qui, depuis son arrestation le 1er mars dernier, lui avaient manifesté leur soutien.

Lors du Festival de Cannes, les prises de position se sont multipliées en faveur de Jafar Panahi, de Gilles Jacob à Juliette Binoche, en passant par de très nombreux cinéastes du monde entier, et sans oublier les ministres français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et de la Culture, Frédéric Mitterrand.

Lors de la cérémonie de clôture dimanche soir, Juliette Binoche (Prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Copie conforme d’Abbas Kiarostami) et Xavier Beauvois (Grand Prix pour Des dieux et des hommes) avaient dédié en quelque sorte leurs prix à Jafar Panahi. Ce dernier est désormais libre, mais doit attendre son jugement et payer une caution.

Interview de Jafar Panahi sur Arte

Retour de Cannes

lundi 24 mai 2010

J’ai vécu un Festival de Cannes serein, ponctué de découvertes cinématographiques intéressantes, certaines passionnantes. Faire partie du jury « Un Certain Regard », aux côtés de Claire Denis (présidente du jury) et de trois personnes délicieuses et sympathiques : Helena Lindblad, journaliste suédoise, Patrick Ferla, journaliste à la Radio télévision suisse, et M. KIM Dongho, directeur du Festival international de Pusan en Corée du Sud, fut une expérience sincèrement enrichissante, humainement très agréable. Les dix-neuf films à voir provenant de dix-neuf pays différents, nous ont offert un tour d’horizon esthétique et narratif original, sans précédent. Réunis samedi matin dès 9 heures, notre ultime délibération fut amicale et permit une discussion profonde où chacun écoutait les arguments de l’autre. Si bien que nous parvînmes en deux heures à un accord équilibré et unanime.

Notre jury s’est mis d’accord pour accorder le Prix « Un Certain Regard » au film de HONG Sangsoo Ha Ha Ha. À l’unanimité. C’est un film joyeux et gai, du Rohmer coréen. Situations comiques, plaisir des dialogues, jeux de séduction et quiproquos : un film enchanteur. Notre prix du jury est allé à Octubre de Daniel et Diego Vega, et nous avons eu envie d’accorder un prix d’interprétation aux trois actrices du film Los Labios (Les Lèvres), de Ivan Fund et Santiago Loza : Adela Sanchez, Eva Bianco et Victoria Raposo. D’autres films ont retenu notre attention, par exemple celui de Pablo Trapero, Carancho, avec la belle Martina Gusman et un acteur argentin de grand talent, Ricardo Darin. L’histoire est forte (un trafic d’assurances sur la mort), la mise en scène énergique, le rythme haletant. Le cinéma en Amérique Latine se porte bien, que ce soit en Argentine, au Mexique et ailleurs. C’est une des bonnes nouvelles de ce 63è Festival de Cannes.  

Il y a plein de manières de vivre le festival. À mes yeux la plus intéressante consiste à suivre une section de A à Z, et de faire des incursions quotidiennes dans les autres, de voir des films programmés dans la compétition officielle, ou d’aller faire un tour à la Quinzaine des Réalisateurs, à la Semaine de la Critique, ou encore de revoir quelques films restaurés dans « Cannes Classics ». J’ai vu plus de trente films, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. L’exercice peut s’avérer périlleux, car les films finissent par s’empiler les uns sur les autres au point de s’effacer. Mais au bout de douze jours, les meilleurs reviennent et ne vous lâchent plus, pour s’inscrire dans votre mémoire pour longtemps.

Il y a eu des polémiques, mais trop souvent extérieures au cinéma, montées de toutes pièces pour alimenter la chronique. L’émotion, la vraie, naît lorsqu’un film provoque en vous un véritable choc esthétique. Cela m’est arrivé cette année avec le film de Manoel de Oliveira, L’Étrange affaire de Angelica, où l’on sent revenir le fantôme d’un cinéma ancien et primitif, où les vivants et les morts coexistent dans un univers surnaturel et féérique. Plus que centenaire, Oliveira s’amuse à traverser le cinéma de part en part, du réalisme primitif et fantasmagorique des années vingt, au récit romanesque et littéraire plus contemporain. La réalité et le rêve coexistent de manière unique et magique dans ce film, comme d’ailleurs dans le beau film qui a reçu hier soir la Palme d’or : Oncle Boonme qui se souvient de ses vies antérieures, d’Apichatpong Weerasethakul.

On ne se défait pas aisément de Film Socialisme de Jean-Luc Godard, justement parce que la vision du film nous surprend tellement, nous désarçonne à tel point que, nécessairement, les plans et les sons, leur beauté et leur étrangeté, leur agencement ou leur composition ne nous laissent pas en paix. Mais, peu à peu, le film revient à la surface, plus apaisé que lors de la vision première où l’impression de chaos prédomine. Quelque chose du film vient frapper à votre porte, plusieurs jours plus tard, et ne vous laisse plus tranquille. N’est-ce pas ce qu’on attend d’un film ? Inutile de chercher à tout comprendre, ni à suivre Godard dans tous les recoins de sa pensée, souvent faite de citations. Mieux vaut se laisser guider par la poésie tumultueuse qui agite son film. 

Pour la libération de Jafar Panahi

jeudi 20 mai 2010

Dessin de Marjane SatrapiVisuel réalisé spécialement par Marjane Satrapi pour l’événement « Une journée à Téhéran », le 13 juin à la Cinémathèque française.

Hier matin à 11 heures, une table ronde s’est déroulée sur le Pavillon « les Cinémas du Monde » sur le thème : « Iran, le cinéma en question ». Elle était organisée par Culturesfrance, avec le soutien de RFI. Olivier Poivre d’Arvor et moi-même en étions les animateurs. Mossen Makhmalbaf et Bahman Ghobadi étaient venus spécialement à Cannes pour prendre la défense de leur ami et collègue Jafar Panahi, emprisonné depuis 77 jours. Trois autres intervenants : Mahmad Haghighat, réalisateur, critique et historien du cinéma iranien, Mehdi Abdollahzadeh, critique de cinéma installé en Suisse, et Abbas Bakhtiari, directeur du Centre culturel iranien Pouya à Paris. Shahla Nahid, journaliste et critique de cinéma à RFI, assurait la traduction.

Juliette Binoche vint lire un texte remarquable écrit par Abbas Kiarostami en mars dernier, dans lequel le réalisateur de Copie conforme prend nettement la défense de Jafar Panahi, dont il vante le courage et l’indépendance. Le geste avait une forte portée symbolique et politique, après l’attaque toute récente menée par quelques cinéastes iraniens accusant, en se ridiculisant et en se trompant gravement, Abbas Kiarostami de connivence avec le régime politique sévissant en Iran. Gilles Jacob vint confirmer le soutien actif du Festival de Cannes qui, rappelons-le, avait invité Jafar Panahi à faire partie du jury cette année. Son absence le soir de l’ouverture, le 12 mai, avec l’image d’un fauteuil vide sur lequel était posé la pancarte portant son nom, a fait le tour du monde.

Les dernières nouvelles en provenance de Téhéran concernant la situation de Jafar Panahi ne sont guère réjouissantes. Abbas Bakhtiari lut un message de Jafar Panahi, déclaration en date de mardi 18 mai.

Jafar Panahi nous dit ceci :

« Par la présente je déclare les mauvais traitements subis dans la prison d’Evin.

Samedi 15 mai 2010, les gardes de la prison sont entrés subitement dans notre cellule n°56. Ils nous ont emmenés, moi et mes camarades de cellule, nous ont dénudés et gardés dans le froid pendant une heure et demie.

Dimanche matin, ils m’ont emmené dans la salle d’interrogatoire et m’ont accusé d’avoir filmé l’intérieur de ma cellule, ce qui est complètement faux. Ils ont par la suite menacé d’emprisonner ma famille à Evin et de maltraiter ma fille dans une prison insécurisée dans la ville de Rajayi Shahr.

Je n’ai rien bu ni mangé depuis dimanche matin, et je déclare que si mes volontés ne sont pas respectées, je continuerai mes instants sans boire ni manger. Je ne veux pas être un rat de laboratoire, victime de leurs jeux malsains, menacé et torturé psychologiquement.

Mes volontés sont :

1. La possibilité de contacter et de voir ma famille, et l’assurance totale de leur sécurité.

2. Le droit d’avoir et de communiquer avec un avocat, après 77 jours d’emprisonnement.

3. Une liberté sans condition, jusqu’au jour de mon jugement et du verdict final.

Enfin, je jure sur ma croyance, le cinéma : je ne cesserai ma grève qu’une fois mes volontés assouvies.

Ma dernière volonté est que ma dépouille soit rendue à ma famille pour qu’elle puisse m’enterrer où elle le souhaite. »

Cette dernière phrase est lourde de signification, et prouve le courage et la détermination de Jafar Panahi. La mobilisation internationale doit se poursuivre, et exiger sa libération immédiate. C’était la volonté unanime des participants de la table ronde d’hier.

Une des manières de soutenir Jafar Panahi consiste à programmer ses films et les films les plus récents qui ont fait la réputation incroyable du cinéma iranien un peu partout dans le monde.

La Cinémathèque française a pris l’initiative d’organiser « Une Journée à Téhéran », prévue le dimanche 13 juin, rue de Bercy. De nombreux films récents, parmi lesquels Le Miroir de Jafar Panahi, Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, Téhéran de Nader T. Homayoun, Les Chats persans de Bahman Ghobadi, My Teheran for Sale de Granz Moussavi, S.O.S. à Téhéran de Sou Abadi, A propos d’Elly d’Asgahr Farhadi, Pour un instant, la liberté d’Arash T. Riahi, Travelogue de Mahnaz Mohammadi + We Are Half of Iran’s Population de Rakhshan Bani-Etemad. En avant-première, le film de Rafi Pitts : The Hunter. Des débats, rencontres jalonneront cette journée du 13 juin 2010, un an tout juste après les élections très contestées d’Ahmadinejad. Entre autres, un dialogue entre Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003, avocate et défenseur des droits de l’homme, et Jean-Claude carrière. Voir informations pratiques et plus complètes sur le site : www.cinematheque.fr

Carlos d’Olivier Assayas

mercredi 19 mai 2010

Carlos d’Olivier Assayas. Le film dure environ 5h30 et il est structuré en trois parties. C’est un film de télévision (par son financement : environ 15 millions d’euros)) et de cinéma. Plus justement : un film de cinéma qui envahit la télévision. Et qui n’aurait pu exister en dehors d’elle. En effet, le cinéma français aurait eu bien du mal à envisager un projet d’une telle envergure, autour d’un personnage si « négatif », si peu enclin à faire naître chez le spectateur la moindre empathie. Seule la télévision pouvait offrir au projet une telle dimension et une telle durée, qui excèdent ce que le cinéma permet. Seule la télévision pouvait permettre à Olivier Assayas de choisir, pour incarner Carlos, un acteur quasi inconnu mais incroyablement talentueux : Edgar Ramírez.

La question du personnage. Carlos n’est pas un personnage sympathique. Impossible de s’identifier à lui. Dès lors, l’entreprise d’Olivier Assayas s’avérait complexe et casse-gueule : comment suivre un tel personnage dans toutes ses pérégrinations en évitant le piège de l’identification, en évitant de faire de Carlos un héros de cinéma. Assayas y est parvenu au prix d’un regard neutre et distancé, clinique et cinématographique : Carlos est un personnage fort qui envahit l’écran de toute sa personnalité et de ses pulsions, sans être gratifié pour autant d’une aura positive. Il devient peu à peu un personnage de cinéma, un homme d’action pris dans le vertige de son propre personnage, de son propre délire idéologique. Militant de la cause anti-impérialiste, il se transforme, lentement mais sûrement en pantin qui gesticule, invertébré. Ce qui permet ce transfert d’identité entre le personnage réel (odieux) et le personnage de cinéma (passionnant), c’est bien sûr l’extraordinaire performance d’Edgar Ramírez, qui interprète génialement Carlos. Le personnage ne se réduit pas à l’équation idéologique = militant anti-impérialiste, mais déborde de toute part, mû par ses excès (alcool, sexe, violence, goût du pouvoir) qui en font un personnage complexe. Carlos au cinéma est plus proche du Scarface de Brian de Palma, que du héros militant. Si bien que lorsque le film rebondit, d’une ville à l’autre, ou d’un pays à l’autre, notre curiosité rebondit sans cesse : jusqu’où ira cette aventure du terrorisme moderne ? Cette expérience géopolitique passionne de bout en bout, même si nous n’adhérons à aucune des idées du personnage.

La question de la durée. Elle est essentielle pour « noyer » d’une certaine manière le personnage dans sa propre histoire. Plus ça dure, moins le projet politique de Carlos tient la route. Plus ça dure, plus il s’enferme dans ses contradictions ou ses impasses, et plus sa foi militante devient absurde, égotique. Toutefois le chemin par lequel ce personnage hors du commun est passé, entre le début des années 70 et le milieu des années 90, est absolument édifiant. Les lieux où se déroule cette fiction historique sont très nombreux : Londres, Paris, Vienne, Beyrouth, Aden, Khartoum, Budapest, Berlin-Est, Alger, Tripoli… Chaque fois que le film change de lieu ou de décor, de ville ou de pays, le spectateur ressent immédiatement le changement, le voyage, la nouvelle réalité, l’atmosphère physique des villes où ce personnage est transporté. Le fait que l’on passe, d’une scène à l’autre, de l’anglais au français, de l’arabe à l’allemand et à l’espagnol, donne aussi très fortement cette dimension cosmopolite du personnage, et plus encore du contexte historique dans lequel il évolue. C’est une des qualités de Carlos, ce sentiment du présent, l’impact du présent : l’Histoire en temps réel, avec ses ramifications secrètes et ses rapports de forces, ses enjeux stratégiques. La durée extra cinématographique, que seule la télévision autorise (trois épisodes diffusés à partir de ce mercredi), facilite grandement cette entreprise ambitieuse.

La question politique. Carlos est moins un film politique qu’un film sur la politique. Personnage complexe et agité, Carlos devient lentement plus lisible et prévisible. Terroriste international, marxiste et tiers-mondiste, anti-impérialiste et militant forcené de la cause palestinienne, antisémite notoire, Carlos est tout cela à la fois, un mélange hybride. Ce qui l’emporte chez lui, c’est au fond d’être un mercenaire. Son crédo est le terrorisme, l’action violente. Il a pour horizon le monde. Vénézuélien de naissance, ayant étudié à Londres, Illich Ramirez Sanchez, alias Carlos, est le produit d’une vision internationale des événements. Il entretient une relation intime et directe avec la carte du monde. Il est là mais se déplace partout, revient ici pour repartir ailleurs. Partout il est chez lui. A tel point qu’il finit par n’être de nulle part. Plus il est « lisible » dans ses intentions, plus il s’enferme dans son personnage et dans son ivresse du pouvoir. D’abord il manipule. Ensuite il est manipulé. Carlos a d’abord été le « maître » du monde, puis les gouvernements arabes tour à tour se sont débrouillés pour s’en débarrasser, l’isoler, le neutraliser, dès lors qu’il ne leur servait plus ou qu’il entravait leurs nouvelles alliances politiques ou stratégiques (voir le long épisode de la prise d’otage des représentants de l’OPEP à Vienne, en 1975, filmé dans ses moindres détails). Carlos ou la « patate chaude ». La grande force du film d’Olivier Assayas est d’informer, de montrer l’agencement complexe des rapports de force entre l’Est et l’Ouest, à la fin de la guerre froide, les relations Nord-Sud, le jeu des grandes puissances, l’importance stratégique du pétrole, etc. Cette dimension géopolitique, le film nous la transmet de manière limpide, éclairante, toujours passionnante. Elle est mise à plat au fur et à mesure que le film avance, et sert de théâtre à l’action sporadique et parfois aveugle du « personnage » Carlos.

La question de la production et  de l’économie du film. Carlos existe parce que Canal + l’a voulu. La chaîne privée l’a conçu d’emblée dans le cadre d’une série ambitieuse, produite par Daniel Leconte, comme il n’en existe que très rarement dans le paysage audiovisuel des fictions françaises. Le film ne rechigne sur rien, ne sacrifie ni les décors ni les lieux de tournage, ni les moyens dévolus à la mise en scène. On peut dire que le cinéma s’installe à la télévision et impose son rythme et sa vision, sa mise en scène : lumière, mouvement, jeu des acteurs, vitesse d’exécution, montage, enchaînement des séquences, musique.

La question du statut juridique de l’œuvre. Carlos est un film de télévision et sa première diffusion est ainsi réservée au petit écran. Le fait que le film soit sélectionné au Festival de Cannes (Hors compétition) n’est que justice tellement l’œuvre est magnifique, guidée par un sens inouï de la mise en scène. Il aurait été dommage que le Festival se passe d’une telle œuvre. Olivier Assayas a terminé une version plus courte (moins de trois heures), destinée à l’exploitation en salles (sortie probable par MK2).  Il paraît clair que la version originale sera la version longue originelle, dont le statut hybride a empêché d’exposer Carlos en compétition officielle à
Cannes. Mais cette hybridation ne pose aucun problème réel car, on l’a dit, Carlos est une œuvre de cinéaste, du premier plan au dernier. Qu’elle soit d’abord diffusée à la télévision ne change rien à cela.

 

Des cinémas pour l’Afrique

mardi 18 mai 2010

Hier soir, lors du dîner offert par Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes, au Carlton, Abderrahmane Sissako et Juliette Binoche ont pris la parole pour expliquer et défendre un projet qu’ils parrainent depuis un an dans le cadre de l’association « Des cinémas pour l’Afrique ». Le but consiste à réunir assez d’argent pour financer la réouverture d’une salle de cinéma à Bamako au Mali. Il s’agit d’une ancienne salle à rénover, le Soudan Ciné, fermée depuis quatorze ans. Projet pilote de l’association, qui sera suivi d’autres initiatives dans d’autres capitales africaines.

L’Afrique manque cruellement de salles de cinéma. Sur tout le continent elles se comptent à peine sur les doigts des deux mains. Pourquoi les salles, qui fleurissaient ici ou là à Niamey, Dakar ou Bamako, ont-elles presque toutes fermé ? Les films africains, peu nombreux d’une année sur l’autre, à tel point que le FESPACO (Festival panafricain du cinéma qui se déroule tous les deux ans à Ouagadougou, Burkina Faso) a du mal à en trouver assez pour nourrir sa compétition, ne sortent que très rarement dans les quelques salles qui subsistent. Le piratage est massif, si bien que les films sont immédiatement disponibles en DVD sur les marchés à des prix défiant toute concurrence. Le Nigéria, qui produit un millier de films par an, faits avec des budgets ridiculement bas, développe une alternative au modèle francophone : les films, tournés en une semaine, ne sont pas faits pour les salles mais pour être vendus, à peine fabriqués, sur les marchés comme n’importe quel autre produit de consommation courante. Réponse sauvage à la crise qui frappe cruellement le cinéma africain.

Abderrahmane Sissako a décidé de relever le défi en se lançant dans l’aventure, soutenu avec ardeur par Juliette Binoche. Les réactions hier soir étaient toutes positives, chacun décidant de mettre la main à la poche en versant cinq mille euros, le prix d’un fauteuil du Soudan Ciné dont le bail vient d’être acquis par l’Association. Le Soudan Ciné est une vieille salle dont le style architectural sera respecté par l’architecte Jean-Marc Lalo, en charge de la rénovation. Deux salles pourront accueillir des projections numériques. Un bar et un espace de rencontre sont prévus, ainsi qu’un restaurant. Les activités pédagogiques auront la part belle, afin d’initier le jeune public de Bamako au cinéma. Si le projet aboutit, nul doute qu’il aura des répercussions sur le continent. Une salle qui rouvre, dotée d’un équipement moderne, pourra vite trouver son public.

Ce projet a reçu le soutien de nombreuses personnalités, associations, institutions publiques et entreprises privées : Juliette Binoche, Barbara Hendricks, le Festival de Cannes, Culturesfrance, Gaumont, le CNC, Arte France, TV5 Monde, l’Institut Lumière, la Cinémathèque française, Europa Cinémas, le Ministère des Affaires étrangères, la Ville de Paris, la Ville de Bamako, le Groupe Tomato (Bamako), la Fondation Flux Laboratory à Genève, la Fondation Gulbenkian à Lisbonne, etc. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que ce projet voie le jour.

La photographe et réalisatrice Marion Stalens a réalisé un film de sept minutes intitulé Le voyage du fauteuil, qu’il est possible de voir sur le site de l’association : www.cinemasforafrica.com  

Les dons sont à envoyer à l’association : Des Cinéma pour l’Afrique, 154, rue Oberkampf 75011 Paris (0033 1 48 07 59 19). Il est possible de contribuer à l’achat d’un fauteuil en envoyant un chèque, ou d’acheter un fauteuil en versant la somme de 5.000 euros (le fauteuil portera ainsi votre nom ou celui de votre entreprise). Tout don versé en faveur des « Cinémas pour l’Afrique » donne droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % du montant versé, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Les entreprises mécènes bénéficient d’une réduction d’impôt de 60% du montant versé.

 

Le plus beau film de guerre du cinéma français

lundi 17 mai 2010

La 317ème Section de Pierre Schoendoerffer, sans aucun doute le plus beau film de guerre du cinéma français, est une fiction documentée. L’histoire qu’il raconte est vraie, vécue dans le moindre détail. Tout y sonne juste, fruit d’une observation et d’une expérience sur le terrain même par ceux qui ont fait ce film : Pierre Schoendoerffer aidé de Raoul Coutard, son directeur de la photographie. Tous deux s’étaient connus pendant la guerre d’Indochine, l’un était correspondant de guerre, l’autre photographe aux armées. Ce film magnifique en noir et blanc, plus le gris des uniformes trempés et des feuillages touffus du Cambodge (là où il fût tourné), pudique et rigoureux, porte les traces de leur expérience militaire durant les affrontements de Mai 1954, c’est-à-dire les derniers jours de la chute de Diên Biên Phu, décisive défaite militaire française.

C’est donc l’histoire d’une section militaire dirigée par le jeune Lieutenant Torrens (Jacques Perrin), secondé par l’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer), un ancien de la Wehrmacht. Le film raconte leur aventure, la traversée des lignes ennemies, les affrontements, les embuscades, les intempéries, l’eau, la boue et la dysenterie, la traversée des rizières et des rivières, les blessés et les morts. La beauté tient au cadrage, au sens inouï du plan rapproché, qui permet de voir le moindre feuillage, le moindre brin d’herbe comme si on y était, et de suivre le déplacement hasardeux et chaotique de cette section militaire, dans une jungle qui se referme sur elle comme un piège.

Pierre Schoendoerffer pratique un cinéma vérité. Moins pour plaire, que pour laisser une trace dans la mémoire des événements. Il s’agit de coller aux hommes, de vivre à leur côté, de ne voir que ce qu’ils voient, de ne pas voir ce qu’ils ne peuvent percevoir. Le film est enfermé dans leur monde, il les accompagne, sans jamais les précéder, fait bivouac avec eux. Il n’y a que la belle musique de Pierre Jansen, moderne et liturgique, qui s’élève au-dessus de ces hommes et qui annonce leur funeste destin.

Tourné en 1964, La 317ème Section tient à la fois du cinéma de Jean Rouch et de la Nouvelle Vague qui déferla quelques années auparavant. Georges de Beauregard, qui produisit ce film, avait déjà produit Lola de Jacques Demy, A bout de souffle de Godard, Le Doulos de Melville, Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda et quelques films de Chabrol. D’où un air de famille. L’économie de moyens est ici de mise, elle confère au film sa rigueur esthétique aussi bien que morale. « Alpha Kilo… », « Tango Tango… il nous faudrait un parachutage… le plus vite possible… » « Alpha Kilo, affirmatif ». Les codes militaires, la hiérarchie entre les hommes, le langage et la gestuelle sont reconstitués dans le mouvement même du film. Le danger, la précarité, le sentiment de la défaite, tout est dit et montré avec une précision inouïe. Surtout, Pierre Schoendoerffer filme cette guerre avec une sorte de code de l’honneur, qui fait dire par exemple à Bruno Cremer, lorsqu’il recueille Torrens blessé : « Qu’est-ce que ça veut dire dégueulasse ? C’est la guerre ! Ils savent la faire, les fumiers ! Chapeau ! » Ce mot « dégueulasse », n’était-il pas le dernier que prononçait Michel Poiccard, abattu rue Campagne-Première, dans un film célèbre produit par Georges de Beauregard ? Oui, la guerre est dégueulasse. Mais les hommes ici la regardent en face.

La Cinémathèque française (Camille Blot-Wellens) et StudioCanal (Bétarice Valbin-Constant), avec l’aide du Fonds Culturel Franco-Américain (Alejandra Norambuena Skira), sont heureux d’avoir restauré ce film qui obtint en 1965 le prix du Scénario au Festival de Cannes. Raoul Coutard a supervisé la restauration et l’étalonnage image, tandis que Pierre Schoendoerffer s’occupait de la restauration sonore. Quarante-cinq ans plus tard, le film est à nouveau visible dans toute sa splendeur. La projection a lieu aujourd’hui, lundi 17 mai à 14h45 (Salle du 60è), dans le cadre de « Cannes Classics », en présence de Pierre Schoendoerffer, Jacques Perrin, et Costa-Gavras, président de la Cinémathèque française.

 

 

 

 

 

Cannes, J moins…

mercredi 12 mai 2010

C’est J moins… Comme d’autres, je m’apprête à rejoindre la Côté d’Azur pour l’ouverture du 63è Festival de Cannes. Comme d’autres, j’y vais pour découvrir des films du monde entier, avec l’espoir d’être secoué, excité, émerveillé, inquiété, bouleversé, agacé. Mais ce n’est pas une année comme une autre, du fait que Roman Polanski est prisonnier dans son chalet suisse. Comme chaque année, le Festival de Cannes célèbre le cinéma en grandes pompes, tandis qu’un des cinéastes les plus importants de notre époque, qui obtint il y a quelques années la Palme d’or avec son film Le Pianiste, est assigné à résidence. Et que l’incertitude la plus totale entoure son sort. Tout dépend désormais des autorités suisses. A elles de le livrer pieds et poings liés à la justice américaine, ou de décider de lui redonner enfin sa liberté de mouvement.

Il y a quelques jours dans Le Monde, Milan Kundera, dans un texte bref où chaque mot est pesé, a dit exactement ce que je ressens, depuis l’arrestation le 26 septembre 2009 à Zurich du cinéaste alors qu’il répondait à l’invitation officielle du Festival de Zurich qui devait lui rendre un hommage. Kundera dit ceci : « Pourtant, sans le connaître personnellement, je ne pense, dans les huit derniers mois, à personne d’autre plus qu’à lui. »

J’ai la même appréhension, sachant Roman Polanski enfermé et impuissant, vivant une situation absurde du fait de l’acharnement d’une justice californienne en mal de spectacle. J’ai lu et relu le texte publié par Roman Polanski (Libération du 3 mai 2010, également paru sur le site internet de La Règle du jeu, la revue dirigée par Bernard-Henri Lévy) intitulé « Je ne peux plus me taire ». Texte concis, précis, loyal, d’une incroyable sobriété, dépassionné. Le cinéaste y rappelle avec précision l’engrenage dans lequel il est pris depuis plus de trente ans, les rebondissements et changements d’attitude des différents juges californiens en charge du dossier, leur acharnement à le rouvrir alors que toutes les personnes concernées souhaitent qu’il soit refermé. Coupable et victime.

Faut-il continuer d’être aveugle, faut-il continuer de ne pas lire et ne pas voir où se situe la vérité ? Aujourd’hui même, jour d’ouverture du Festival, un appel de cinéastes qui seront présents avec leurs films cette année à Cannes, à l’initiative de B-H Lévy et Jean-Luc Godard, qui manifestent une fois encore leur soutien à Polanski, qui « en appellent aux autorités helvétiques en les adjurant de ne pas croire sur parole le gouverneur Schwarzenegger et ses procureurs ». Espérons que cet appel sera entendu !

Le festival n’est pas encore ouvert, que déjà il suscite des polémiques qui surviennent ici ou là. Signe que le cinéma est vivant, peut-être dérangeant, et qu’à ce titre il fait réagir. À moins que les journalistes soient en mal de sujets. On optera pour la patience : voyons d’abord les films, les empoignades pour plus tard… Faisant partie du jury « Un Certain Regard » présidé par Claire Denis, me voilà contraint à un « devoir de réserve ». C’est la moindre des choses que de garder son point de vue, pour en débattre sereinement au sein d’une petite communauté de cinq personnes qui s’apprête à vivre ensemble au quotidien durant une douzaines de jours.

Au programme d’« Un Certain Regard », les films de Manoel de Oliveira, Jean-Luc Godard, Hong Sangsoo, Jia Zhangke, Lodge Kerrigan, Pablo Trapero, Hideo Nakata, David Verbeek, Daniel et Diego Vega, Cristi Puiu, Radu Muntean, Àgnes Kocsis, Christoph Hochhäusler, Vikramaditya Motwane, Oliver Schmitz, Fabrice Gobert, Ivan Fund et Santiago Loza, Derek Cianfrance et Xavier Dolan. 19 films à voir en dix jours. Sans compter les autres, en compétition officielle, à la Quinzaine des Réalisateurs, ou encore à la Semaine de la critique : le programme s’annonce chargé. Il y a aussi « Cannes Classics », où la Cinémathèque présentera lundi 17 (0 14h45, salle du 6Oè) la version restaurée du film de Pierre Schoendoerffer, La 317è Section, qui obtient à Cannes en 1965 le prix du meilleur scénario. Initiée par StudioCanal et la Cinémathèque française, avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain, cette restauration a été supervisée par Raoul Coutard, qui fut le directeur de la photographie de ce film tourné dans des conditions difficiles au Cambodge, et par le réalisateur Pierre Schoendoerffer. On y reviendra.