Archive pour le 12.2010

Le cinéaste Jafar Panahi ne doit pas retourner en prison !

mardi 21 décembre 2010

Jafar Panahi

Nous apprenons avec colère et inquiétude le jugement du Tribunal de la République Islamique à Téhéran, condamnant très lourdement le cinéaste iranien Jafar Panahi. La sentence : six ans de prison ferme, vingt ans d’interdiction d’écrire et de réaliser des films, de donner des interviews aux médias, de quitter le territoire et d’entrer en relation avec des organisations culturelles étrangères.

Un autre cinéaste, Mohammad Rasoulof, a également été condamné à six ans de prison. Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof vont rejoindre les nombreux prisonniers qui croupissent en prison en Iran, dans un état de détresse totale. Certains font la grève de la faim, d’autres sont gravement malades.

Que reproche le pouvoir iranien à Jafar Panahi ? D’avoir conspiré contre son pays et mené une campagne hostile au régime iranien. La vérité est que Jafar Panahi est innocent et que son seul crime est de vouloir continuer d’exercer librement son métier de cinéaste en Iran. Depuis plusieurs mois le pouvoir iranien a mis en place contre lui une véritable machine de guerre visant à le détruire, à l’enfermer en le contraignant à se taire.

Jafar Panahi est cinéaste et ses films ont été montrés dans le monde entier. Invité par les plus grands festivals de cinéma (Cannes, Venise, Berlin), il est aujourd’hui empêché de poursuivre son œuvre de cinéaste. La lourde condamnation qui le frappe le prive de liberté, l’empêche physiquement et moralement d’exercer son travail de cinéaste. Il doit désormais se taire, s’interdire tout contact avec ses collègues cinéastes en Iran et dans le monde entier.

A travers cette condamnation qui frappe Jafar Panahi, c’est tout le cinéma iranien qui est manifestement visé.Cette condamnation nous révolte et nous scandalise. Aussi, appelons-nous cinéastes, acteurs et actrices, scénaristes et producteurs, tous les professionnels du cinéma ainsi que tous les hommes et femmes épris de liberté et pour qui les droits de l’homme sont une chose fondamentale, à se joindre à nous pour exiger la levée de cette condamnation.

Rejoignez l’appel aux côtés de : le Festival de Cannes, la SACD, la Cinémathèque française, l’ARP, la Cinémathèque suisse, le Festival international du film de Locarno, le Forum des images, Positif, la SRF, les Cahiers du cinéma, France Culture, Culturesfrance, la Mostra Internazionale d’Arte Cinemagrafica di Venezia.

Plus de 7000 personnes ou organisations ont déjà signé cet appel.

Pour rejoindre et signer cet appel en faveur de Jafar Panahi, allez sur : http//www.ipetitions.com/petition/solidarite-jafar-panahi/

Jafar Panahi lourdement condamné par le Tribunal à Téhéran

lundi 20 décembre 2010

Le Tribunal à Téhéran condamne très lourdement le cinéaste iranien Jafar Panahi.

6 ans de prison ferme, 20 ans d’interdiction d’écrire, de réaliser des films et de donner des interviews aux médias. D’après le rapport de Pouya Khabar (organe de presse Pouya) publié à Téhéran le samedi 18 décembre 2010 au 26ème district du Tribunal de la République Islamique, en la présence de Monsieur Jafar Panahi et son avocat Madame Farideh Ghayrat, le jugement final du tribunal civil a été rendu par le juge Yahya PIR ABBASI.

Le jugement notifie : « En référence aux articles 610 et 500 de la loi pénale islamique, le prévenu est condamné à 5 ans de prison ferme pour conspiration contre la sécurité de la République Islamique et 1 an de prison ferme pour la propagande menée contre la République Islamique. Comme ces condamnations ne paraissaient pas suffisantes, et en référence à l’article 19 de la loi pénale de la République Islamique, Jafar Panahi est également condamné et privé de ses droits de réaliser toutes sortes de films, d’écrire des scénarios et d’accorder des interviews aux médias iraniens ou internationaux et de sortir du pays pendant 20 ans, sauf pour le pèlerinage de la Mecque ou pour des soins médicaux urgents à condition de payer une caution.Ce jugement peut faire sujet d’appel pendant 20 jours à partir de ce jour auprès du tribunal d’appel de Téhéran. Parmi les chefs d’accusation du réalisateur iranien Jarar Panahi, figure aussi « la relation avec des milieux internationaux du cinéma, avec des personnalités et des organismes artistiques et culturels iraniens ou internationaux basés à l’étranger ». »

Centre culturel Pouya, Paris, 20 décembre 2010.

Cette sentence est incroyable et scandaleuse, sachant que le chef d’accusation à l’encontre de Jafar Panahi est dénué de tout fondement. Il faut impérativement se mobiliser et apporter notre soutien à Jafar Panahi.

Fin de “Party” pour Blake Edwards

samedi 18 décembre 2010

L’autre soir, je tombe par hasard sur un film magnifique en noir et blanc programmé sur une des chaînes de cinéma : Experiment in Terror, réalisé en 1962 par Blake Edwards. Un polar très rythmé, avec deux magnifiques acteurs, Lee Remick et Glenn Ford. La fille, qui travaille dans une banque, est menacée au téléphone par un maître chanteur anonyme qui lui demande de piquer une grosse somme d’argent à la banque, sans quoi il s’en prendra à sa jeune sœur. Glenn Ford joue le rôle du policier chargé de démasquer le « méchant ». C’est un film méconnu de Blake Edwards, dont la filmographie est imposante : plus de quarante films, incluant de nombreuses séries télévisées. Depuis, le réalisateur de The Party est mort, le 15 décembre, à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

Sa place à Hollywood est originale, à la fois indépendant et travaillant pour les studios. Il faut dire que sa carrière fut souvent en dents de scie. Des hauts et des bas. Il n’a cessé de se refaire, comme un joueur au casino. Du grand public, il est connu pour avoir conçu et réalisé la fameuse série des Inspecteur Clouseau, avec l’immense et insubmersible Peter Sellers. Tous ceux qui ont vu et revu chaque année The Party (avec le même Sellers) ont une pensée émue et une dette envers Blake Edwards. Y a-t-il un film aussi désopilant que The Party, qui vous met dans un tel état de gaité et de fou rire, au point d’avoir mal au ventre ? Pour moi il est au summum du burlesque, avec cette idée évidente que le comique doit tout détruire sur son passage, comme le fait au début Peter Sellers, figurant sur un gros tournage, appuyant innocemment son pied pour refaire son lacet sur la poignée qui détruit le décor. The Party  a été réalisé en 1968. La même année : Play Time de Jacques Tati, où le décor du restaurant, le « Royal Garden », à peine inauguré terminera en miettes. Il y a des similitudes entre ces deux films, chefs d’œuvre comiques, avec une forme à peine cachée de désespoir ou de mélancolie devant l’apparition d’un monde absurde gavé d’objets et de gadgets modernes.

Retour en arrière : 1982, je découvre Victor/Victoria à la Mostra de Venise. Magnifique comédie (musicale) sur le travestissement. Une femme, la délicieuse Julie Andrews (épouse de Blake Edwards), dans un corps d’homme, une voix d’homme se confondant avec celle d’une femme. Ou inversement. Cinéma parodique, incroyablement rythmé, jouant sur les apparences et les situations cocasses, le désir caché derrière le déguisement et la différence sexuelle. C’est une des grandes questions du burlesque, dont Blake Edwards a été un des champions : comment exister dans le désir de l’autre pour arriver à ses fins ? Ici, devenir une artiste, puisque tel est le désir de Victoria se faisant passer pour Victor.

L’œuvre de Blake Edwards est à (re)découvrir. C’est ce que nous disions l’autre jour, avec Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque. Nous ne savions pas qu’il était sur le point de mourir. Mais notre décision était prise : il y aura sous peu une rétrospective intégrale des films de Blake Edwards à la Cinémathèque française.

   

Le cinéma français à l’honneur à Marrakech

samedi 4 décembre 2010

Festival de Marrakech, jusqu’au 11 décembre. Dixième édition, avec un hommage au cinéma français. Bruno Barde (directeur artistique) a sélectionné 70 films qui jalonnent trois décennies, des années 80 aux années 2000. La sélection est éclectique, le survol éloquent. D’autant que la règle imposée consistait à ne choisir qu’un film par auteur. Ce sera donc Mon Oncle d’Amérique de Resnais et pas un autre. Sauve qui peut (la vie) de Godard, et pas un autre. Conte de printemps de Rohmer et pas un autre. Pialat fait figure d’exception avec deux films : Police et Van Gogh. Truffaut : Vivement dimanche !, son dernier film, alors que Le Dernier métro inaugurait mieux la décennie 80. L’Argent de Robert Bresson, réalisé en 1983, film ultime. Ce survol est à la fois totalement arbitraire, en ce sens qu’il est truffé de lacunes (aucun film de Catherine Breillat, ce qui est injuste, et l’oubli de Kechiche, une des plus fortes révélations du cinéma français de ces dernières années), tout en dessinant un chemin passionnant, divers et contrasté. Ce qu’illustre cette sélection parfois hâtive mais honnête, c’est qu’en trente ans il s’est passé bien des choses dans le cinéma français. Des générations finissent quand d’autres commencent. C’est le début de la génération Assayas, Desplechin, Carax, Claire Denis, Jacques Audiard, puis celle de François Ozon, Mathieu Kassovitz, Christophe Honoré, etc. Les grands disparus : Bresson, Truffaut, Demy, Sautet, Malle, Pialat, plus récemment Claude Berri, Chabrol ou Corneau.

Alain Corneau justement : Gregory Marouzé me demande de signaler sur mon blog la projection de son documentaire sur l’auteur de Série noire. Le titre : Alain Corneau, du noir au bleu, avec des entretiens avec le cinéaste, de nombreux extraits de ses films et images d’archives. Ce documentaire sera diffusé dans le cadre d’une nuit hommage dimanche 5 décembre prochain sur CinéCinéma Club à partir de 20h40. Ensuite, multidiffusion.

Au programme de cette soirée :

  • 20h40 : Stupeur et Tremblements.
  • 22h25 : Alain Corneau, du noir au bleu de Grégory Marouzé (Productions Les Films du Cyclope, CRRAV, Tribu Films, CinéCinéma, Studio Canal)
  • 23h20 : France Société Anonyme.

Revenons à Marrakech. Qu’est-ce qui a changé dans le cinéma français, tout au long de ces trois décennies ? Beaucoup de chose, et d’abord le mode de financement des films. 1984 est une année importante, avec la naissance de Canal +. Le financement a basculé du côté de la télévision, processus de plus en plus tangible et visible. Le coût moyen des films a grimpé, on dit aussi que le salaire des vedettes y est pour beaucoup. Le nombre de films produits chaque année s’est développé (au-dessus de deux cents chaque année), dont beaucoup n’ont de sortie que symbolique. La loterie est donc le genre dominant, car tous les films ne sont pas logés à la même enseigne. A travers cette programmation, le fait le plus frappant est la diversité des auteurs et des genres, la coexistence de sensibilités artistiques très différentes, parfois aux antipodes. Mais c’est ainsi : le cinéma français pousse au centre, et à la marge. Et c’est la marge qui pousse le centre. Durant ces trois décennies, les cinéastes de la Nouvelle Vague ont été en pleine activité, tandis qu’une génération de cinéastes renouait avec le cinéma de genre : polar, comédie sociale ou comique.

A Marrakech, la délégation française, un peu comme aux Jeux olympiques, est impressionnante, présidée par Costa-Gavras à qui ce soir Martin Scorsese a remis un prix honorifique. Le discours de Scorsese était impeccable, citant Lumière et Méliès, mais aussi Alice Guy, la génération des pionniers, puis celle des années 20 et 30, de Vigo à Renoir, en passant par Grémillon, Duvivier, Gance et Feyder, puis celle des années 50 : Ophuls, Melville, Clouzot, Tati, Bresson, Autant-Lara, puis la Nouvelle Vague (avec un coup de chapeau appuy à Alain Resnais et Mon Oncle d’Amérique, pour finir par une éloge appuyée de Costa-Gavras. Au passage, Scorsese évoque André Bazin, la Cinémathèque française, les textes critiques des Cahiers du cinéma., et l’influence profonde qu’eut le cinéma français sur la génération de cinéastes américains à laquelle il appartient.

Réunis sur la grande scène du Palais des Congrès, autour de Catherine Deneuve et Costa-Gavras : Marion Cotillard, Sophie Marceau, Jean Dujardin, Claude Brasseur, Marthe Keller, Charlotte Rampling, Stéphane Audran, Marina Hands, Vincent Perez, Alexandra Lamy, Gilles Lellouche, Pascal Elbé, Sandrine Kiberlain, Emmanuelle Seigner, Hafsia Herzi, Mélanie Doutey, Leila Bekhti, Elsa Zylberstein, Christophe Lambert, Gaspard Ulliel, Jean-Paul Rouve, Aïssa Maiga, Karine Silla, Lambert Wilson, Irène Jacob (qui est aussi membre du jury). Côté cinéastes : Agnès Varda, Jean Becker, Xavier Beauvois, Guillaume Canet, Elie Chouraqui, Bruno Dumont, Pierre Jolivet, Radu Mihaileanu, Leos Carax, Nicole Garcia, Tony Gatlif, Jean-Paul Rappeneau, Claude Miller, Danielle Thompson, Claude Zidi, Pascale Ferran, Benoît Jacquot (également au jury). Et Véronique Cayla, l’encore présidente du CNC (pour quelques jours seulement). Ce soir à Marrakech, la photo de famille du cinéma français était exceptionnelle.

Le Festival de Marrakech doit beaucoup à Daniel Toscan du Plantier, qui en a eu l’initiative il y a dix ans. Hier soir, lors de la cérémonie d’ouverture, j’avais la charge de prononcer un discours en sa mémoire, avant de remettre à Melita Toscan du Plantier un trophée que lui dédiait le festival.

« Chers Amis,

J’aimerais ce soir vous parler de Daniel Toscan du Plantier, un homme dont la passion était le cinéma. Il en parlait, en parlait, en parlait encore. Il était intarissable et il séduisait.

Au sein de la Gaumont puis comme producteur indépendant, il développa une stratégie internationale : pour lui le cinéma n’a pas de frontières. Il a produit ou financé des grands auteurs : Bergman, Fellini, Tarkovski, Kurosawa, Wajda, Losey et tant d’autres. Je l’ai croisé un jour à Calcutta où il était venu rencontrer Satyajit Ray, afin de financer un de ses derniers films : Les Branches de l’arbre (1990).

Parmi les cinéastes, il en est certains avec qui les relations furent plus fidèles – je pense à Maurice Pialat. Daniel Toscan du Plantier l’a aidé à réaliser quatre de ses films : A nos amours (1983), Police (1985), Sous le soleil de Satan (1987), puis Van Gogh (1991). Je me souviens de leur immense joie lorsque Pialat obtint la Palme d’or à Cannes en 1987 pour son adaptation du roman de Bernanos, Sous le soleil de Satan.

Il était partout à la fois, s’occupait de tout et le faisait avec talent, générosité, intelligence. Président d’Unifrance, l’organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde : de 1988 à sa mort en 2003. L’Académie des César, qu’il présidait avec panache. La Cinémathèque de Toulouse, dont il était le président. Erato, la compagnie au sein de laquelle il déploya son énergie, après avoir dû quitter la Gaumont en 1985. Et bien sûr, le Festival de Marrakech, qu’il contribua à faire naître il y a dix ans, fort de l’appui et de la confiance de Sa majesté le Roi Mohammed VI. L’engagement de Daniel pour le cinéma et la caution morale qu’il apportait, ont fait que ce festival s’est développé, attirant des films du monde entier, sans que jamais la censure n’entrave son rayonnement.

J’aimerais terminer cet éloge en rappelant ce qui me semblait le plus important chez cet homme que j’ai eu la chance de connaître : Daniel Toscan du Plantier admirait les artistes et mettait toute son énergie à les défendre et à faire connaître leurs films du grand public. Le premier qu’il admira fut Roberto Rossellini, un des plus grands hommes que le cinéma mondial ait jamais connu. Daniel a passé des jours et des jours aux côtés de Rossellini, qui était l’un des pères du néo-réalisme italien. Je ne doute pas qu’il ait appris de lui certaines choses essentielles. Par exemple que le cinéma a besoin de liberté. Liberté de création, liberté de diffusion. Cette belle idée, Daniel Toscan du Plantier s’est employé à la faire vivre, à travers ce festival, dans ce beau pays qu’est le Maroc. Disparu en février 2003, Daniel Toscan du Plantier était un humaniste, un homme éclairé. C’est avec beaucoup d’émotion et d’affection que je remets à Melita Toscan du Plantier l’Etoile d’or du Festival de Marrakech ».