Le plus beau film de guerre du cinéma français

La 317ème Section de Pierre Schoendoerffer, sans aucun doute le plus beau film de guerre du cinéma français, est une fiction documentée. L’histoire qu’il raconte est vraie, vécue dans le moindre détail. Tout y sonne juste, fruit d’une observation et d’une expérience sur le terrain même par ceux qui ont fait ce film : Pierre Schoendoerffer aidé de Raoul Coutard, son directeur de la photographie. Tous deux s’étaient connus pendant la guerre d’Indochine, l’un était correspondant de guerre, l’autre photographe aux armées. Ce film magnifique en noir et blanc, plus le gris des uniformes trempés et des feuillages touffus du Cambodge (là où il fût tourné), pudique et rigoureux, porte les traces de leur expérience militaire durant les affrontements de Mai 1954, c’est-à-dire les derniers jours de la chute de Diên Biên Phu, décisive défaite militaire française.

C’est donc l’histoire d’une section militaire dirigée par le jeune Lieutenant Torrens (Jacques Perrin), secondé par l’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer), un ancien de la Wehrmacht. Le film raconte leur aventure, la traversée des lignes ennemies, les affrontements, les embuscades, les intempéries, l’eau, la boue et la dysenterie, la traversée des rizières et des rivières, les blessés et les morts. La beauté tient au cadrage, au sens inouï du plan rapproché, qui permet de voir le moindre feuillage, le moindre brin d’herbe comme si on y était, et de suivre le déplacement hasardeux et chaotique de cette section militaire, dans une jungle qui se referme sur elle comme un piège.

Pierre Schoendoerffer pratique un cinéma vérité. Moins pour plaire, que pour laisser une trace dans la mémoire des événements. Il s’agit de coller aux hommes, de vivre à leur côté, de ne voir que ce qu’ils voient, de ne pas voir ce qu’ils ne peuvent percevoir. Le film est enfermé dans leur monde, il les accompagne, sans jamais les précéder, fait bivouac avec eux. Il n’y a que la belle musique de Pierre Jansen, moderne et liturgique, qui s’élève au-dessus de ces hommes et qui annonce leur funeste destin.

Tourné en 1964, La 317ème Section tient à la fois du cinéma de Jean Rouch et de la Nouvelle Vague qui déferla quelques années auparavant. Georges de Beauregard, qui produisit ce film, avait déjà produit Lola de Jacques Demy, A bout de souffle de Godard, Le Doulos de Melville, Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda et quelques films de Chabrol. D’où un air de famille. L’économie de moyens est ici de mise, elle confère au film sa rigueur esthétique aussi bien que morale. « Alpha Kilo… », « Tango Tango… il nous faudrait un parachutage… le plus vite possible… » « Alpha Kilo, affirmatif ». Les codes militaires, la hiérarchie entre les hommes, le langage et la gestuelle sont reconstitués dans le mouvement même du film. Le danger, la précarité, le sentiment de la défaite, tout est dit et montré avec une précision inouïe. Surtout, Pierre Schoendoerffer filme cette guerre avec une sorte de code de l’honneur, qui fait dire par exemple à Bruno Cremer, lorsqu’il recueille Torrens blessé : « Qu’est-ce que ça veut dire dégueulasse ? C’est la guerre ! Ils savent la faire, les fumiers ! Chapeau ! » Ce mot « dégueulasse », n’était-il pas le dernier que prononçait Michel Poiccard, abattu rue Campagne-Première, dans un film célèbre produit par Georges de Beauregard ? Oui, la guerre est dégueulasse. Mais les hommes ici la regardent en face.

La Cinémathèque française (Camille Blot-Wellens) et StudioCanal (Bétarice Valbin-Constant), avec l’aide du Fonds Culturel Franco-Américain (Alejandra Norambuena Skira), sont heureux d’avoir restauré ce film qui obtint en 1965 le prix du Scénario au Festival de Cannes. Raoul Coutard a supervisé la restauration et l’étalonnage image, tandis que Pierre Schoendoerffer s’occupait de la restauration sonore. Quarante-cinq ans plus tard, le film est à nouveau visible dans toute sa splendeur. La projection a lieu aujourd’hui, lundi 17 mai à 14h45 (Salle du 60è), dans le cadre de « Cannes Classics », en présence de Pierre Schoendoerffer, Jacques Perrin, et Costa-Gavras, président de la Cinémathèque française.

 

 

 

 

 

2 Réponses à “Le plus beau film de guerre du cinéma français”

  1. David Tredler a écrit :

    J’espère que l’on pourra découvrir cette « 317ème section » restaurée bientôt à Paris !

  2. David a écrit :

    Sympa votre blog. C’est quelque chose que je viens de découvrir et j’ai décidé de créer le miens sur les films sur la Seconde Guerre Mondiale. http://filmssecondeguerremondiale.wordpress.com/