Liberté

Jean-Pierre Jouyet, Jerzy Skolimowski, Costa-Gavras

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes,
Jerzy Skolimowski et Costa Gavras, président de la Cinémathèque

Nous étions attablés hier soir entre amis « chez Mastroianni », le sympathique restaurant italien situé juste en face de la Cinémathèque, lorsque j’ai appris par SMS vers 21 heures la libération d’Ingrid Betancourt. Avec Jerzy Skolimowski et sa femme Ewa, Antonio Tabucchi et sa femme, leur ami Sergio Vecchio et mes autres convives, nous avons aussitôt levé nos verres pour trinquer, puis la nouvelle s’est vite répandue à l’intérieur du restaurant et tout le monde nous a imités. Joie et soulagement. Sentiment inespéré d’un retour à la normale. Fin d’une trop longue parenthèse où le monde, dans un endroit très particulier, la forêt colombienne, ne tournait pas rond. Pendant ce temps, se tenait la projection du film de Skolimwoski : Quatre Nuits avec Anna, en ouverture d’un cycle consacré à l’Europe : « Un siècle en Europe, un Siècle de cinéma ». Avec ce film qui fit l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier, Skolimowski signe son retour au cinéma. Plus de quinze ans d’absence. Son dernier film était Ferdydurke, que j’avais beaucoup aimé, une adaptation de Gombrowicz. Il était temps qu’il revienne. C’est un des cinéastes les plus importants de ce que l’on appelle le cinéma moderne. Découvert en 1964 pour son premier film, Signe particulier néant (Rysopis), suivi de Walkover (1965), il a été naturellement associé à la nouvelle école esthétique dite de la nouvelle vague polonaise (avec Polanski, Haas et quelques autres). Très lié à Milos Forman découvert à la même époque avec Les Amours d’une blonde (1965), Skolimowski est une sorte de génial outsider du cinéma. Je tiens personnellement Moonlighting (Travail au noir, 1982) pour un véritable chef d’œuvre du cinéma, assez prémonitoire de ce qu’est devenue l’Europe avec ses difficultés économiques et communautaires, et ses exils intérieurs. Qu’a fait Skolimowski durant toutes ces années ? De la peinture. Il s’était installé en Californie, une maison à Malibu face à la mer. Il a joué dans quelques films (Taylor Hackford, Tim Burton, Julian Schnabel ou récemment chez David Cronenberg), mais n’a réalisé aucun film américain. Depuis peu il vit de nouveau en Pologne, une maison dans une forêt à cent cinquante kilomètres de Varsovie. A Cannes, lorsqu’il présenta son film lors de l’ouverture de la Quinzaine, il ne prononça que deux mots : « I’m back ! ». C’est une excellente nouvelle. Quatre Nuits avec Anna sortira en novembre à Paris. Je vous le recommande chaudement.

Rentré chez moi assez tard, je vis les premières images de la libération d’Ingrid Betancourt en direct. Habillée en tenue militaire, elle avait le sourire, semblait vive et apaisée. Elle a embrassé maintes fois sa mère, et réciproquement, levé souvent les yeux au ciel. Elle semblait venir d’une autre planète. Campant sur le tarmac de l’aéroport, elle semblait vouloir installer sa nouvelle image de femme libre. Elle aussi aurait pu dire : « I’m back ! ». Elle a dit autre chose, mais cela revient au même. Il n’y a aucun rapport entre Ingrid Betancourt et Jerzy Skolimowski. C’est moi qui les réunis de manière un peu abusive sur mon blog. On est souvent heureux d’apprendre que des êtres humains, quelle que soit leur personnalité ou leur activité, puissent dire tout simplement : Me voilà, je suis de retour.

2 Réponses à “Liberté”

  1. mhr a écrit :

    Quatre nuits avec Anna (de Jerzy Skolimwski), la semaine dernière au MK2 Bibliothèque :très beau. Il faudra que la critique fasse son travail: Claude Chabrol, entretien avec les Cahiers du cinéma: »Il faut imposer ce qui est bon, et pour l’imposer, tout, absolument tout est bon. »

  2. Lalit Rao a écrit :

    Le film « Moonlighting » (Travail au Noir) est un véritable chef d’oeuvre du cinéma. Ce film nous montre que la dignité de l’homme est importante.