Roger Diamantis, un ami du cinéma

Roger Diamantis était un homme délicieux, agréable, pacifique et courtois. Assez renfermé, presque timide, mais l’œil vif et toujours aux aguets. Il fallait aller à lui, gagner sa confiance. Mais une fois qu’il vous l’accordait, tout devenait simple et humain.

Sa mort survenue il y a deux jours laisse ses nombreux amis dans la tristesse. Roger symbolisait à lui seul le mouvement Art et Essai. Avec ses trois écrans du Saint André des Arts, il incarnait avec vaillance et originalité l’essence même de l’Art et Essai, c’est-à-dire la recherche et la découverte de nouveaux talents, la fidélité à des auteurs de prédilection : Alain Tanner, Nagisa Oshima, Marguerite Duras, Ken Loach, Wim Wenders, Raymond Depardon, Alain Cavalier, Hervé Le Roux, Nicolas Philibert et tant d’autres.

Roger Diamantis concevait ses salles comme le lieu d’exposition des films qu’il aimait. Le mot « exploitant » lui allait si mal : il exposait les films, leur accordant un temps de vie assez long qui permettait au public de venir en prenant son temps. C’était au temps où l’on ne se pressait pas, où le cinéma avait du temps devant lui. On allait au Saint André en confiance, sachant que Roger Diamantis lui-même avait pris son temps pour choisir les films, un par un. Il les choisissait en fonction de son goût, de ses désirs, de se son intime conviction, comme l’on se rend au marché pour choisir un fruit frais ou un légume, en connaissance de cause. Eh bien, les films il les pesait et les soupesait, mais une fois son choix fait, il les défendait jusqu’au bout. C’était aussi le temps de sa grande complicité avec son double féminin, Pascale Dauman, distributrice et productrice (Pari Films), l’âge d’or des années Wenders.

Roger Diamantis était cinéphile, il avait d’ailleurs réalisé un film. Son unique film : Si j’ te cherche… j’ me trouve, en 1974, dans lequel il jouait aux côtés de Jean-François Stévenin, François Weyergans et Jean-Jacques Biraud. Dans la veine du cinéma de Stévenin et de John Cassavetes, leur idole commune.

Ces dernières années, Roger Diamantis ne cachait plus sa mélancolie, sa tristesse de voir le Quartier latin se transformer en quartier de fringue et de mal bouffe, devenir l’ombre de ce qu’il fut. Il voyait aussi le mouvement Art et Essai s’affaiblir du fait de l’hyper concentration de la distribution et de l’exploitation des films, souvent résigné de ne pouvoir obtenir des films qu’il aimait pour les exposer sur ses écrans. S’il tenait bon, le cœur n’y était plus.

Alain Tanner raconte souvent l’histoire de sa rencontre avec Roger Diamantis au Festival de Cannes en 1971. Il était là pour présenter son deuxième film, La Salamandre, à la Quinzaine des réalisateurs. Déjeunant avec un ami dan un restaurant, il a pour voisin de table un homme qui mange seul. Cet homme seul c’est Roger Diamantis, venu tout spécialement à Cannes pour tenter d’acheter les droits de La Salamandre. Écoutant ses voisins parler de cinéma, il ose leur demander si l’un des deux ne connaîtrait pas par hasard Alain Tanner… La Salamandre est resté plusieurs mois à l’affiche du Saint André des Arts. Ce fut le début d’une incroyable aventure…

Les obsèques de Roger Diamantis auront lieu jeudi 24 juin, à 16h30, au cimetière du Montparnasse. 

3 Réponses à “Roger Diamantis, un ami du cinéma”

  1. samia harrar a écrit :

    c’est dit très délicatement mais on espère que Roger Diamantis n’est pas parti par désespoir, et surtout pas, seul… L’Amour du cinéma semble être une lourde charge…

  2. Henry Zaphiratos a écrit :

    Roger Diamantis, mon ami, est parti… Deuil au cinéma.
    Roger était le fondateur du célèbre cinéma d’Art et d’Essai le Saint-André-des-Arts. Fils d’un restaurateur grec, il avait fondé ce cinéma pour l’amour du 7° art, et avait propulsé et fait connaître de très nombreux réalisateurs et auteurs de films. Il ne s’en tenait pas à un genre, mais à tous les genres, à toutes les subtilités du cinéma d’auteur ou populaire. Un réalisateur inconnu pouvait tenter sa chance et grâce à son flair, son intelligence, sa perspicacité, Roger se lançait, lui aussi, dans la bataille. Il avait créé plusieurs petites salles dans cette très jolie et médiévale rue Saint-André-des-Arts. Des librairies, des éditeurs s’y sont par la suite installés, suivant sa notoriété. Roger avec sa gentillesse, son regard vif et chaleureux, sa voix douce, mais bien timbrée, sa chevelure légèrement rouquine, sa petite corpulence, était le parfait marcheur des Festivals, qu’il arpentait avec joie, montant, descendant les escaliers ou les escalators pour se précipiter dans les salles où se projetaient des films formidables. Tous les films sont formidables par ce qu’ils veulent dire, la somme de travail, d’intelligence, les montagnes d’attention des laboratoires, des décorateurs, des techniciens… Roger respectait et aimait tout cela avec passion. Il avait même confié dans un livre ses idées, ses rêves. Il avait aussi écrit et réalisé un joli petit film « Si j’te cherche, je me trouve » ou « Cours après moi que je t’attrape », un peu ironique, un peu farfelu. Avec tout le monde de l’Art et Essai, il a fait une chaîne pour sauver les films. C’est là que sont nés « La Salamandre » d’Alain Tanner, qui a lancé Jean-Luc Bideau, les films que j’ai lancés et distribués : « Les Mâles » du Québecois Gilles Carle, « Le Voyage des Comédiens », » Jours de 36″ de Théo Angelopoulos, « Va travailler vagabond » du Brésilien Hugo Carvana, « Sweet Love » de l’Américain Eduardo Cemano, « Les Idoles », « Les Nymphettes »… et tant d’autres films, dont ceux d’Emir Kusturica, de Raymond Depardon, Ken Loach, Wim Wenders… Roger ne songeait qu’au cinéma. Il ne songeait qu’au nombre d’entrées, qu’aux fauteuils occupés pour être sûr qu’un beau film tiendrait deux, trois semaines, ou cent, deux cents semaines. Et puis, il reprenait les films qu’il aimait, et qu’il voulait offrir aux centaines de milliers d’étudiants, d’intellos. C’était la « Nouvelle Pagode », le temple du cinoche. « Le Chien andalou » a fait des petits, et Roger les a propulsés vers l’avenir.
    Voilà, il est parti. Je ne pourrai plus parler avec lui de films, de livres, je ne pourrai plus lui envoyer les miens, je ne pourrais plus déjeuner avec lui, voir son regard merveilleux et tendre, son sourire captivant. Roger, tu restes dans mon coeur. Roger, mon ami.
    Henry Zaphiratos

  3. Le décès de Roger Diamantis (St André des Arts) | Les Amis de Marcel Carné a écrit :

    […] dépêche d’Allo Cine, celle de Liberation, le post de Serge Toubiana, l’hommage officiel de Bertrand Delanoé le Maire de Paris, l’article […]