Pour la libération de Jafar Panahi

Dessin de Marjane SatrapiVisuel réalisé spécialement par Marjane Satrapi pour l’événement « Une journée à Téhéran », le 13 juin à la Cinémathèque française.

Hier matin à 11 heures, une table ronde s’est déroulée sur le Pavillon « les Cinémas du Monde » sur le thème : « Iran, le cinéma en question ». Elle était organisée par Culturesfrance, avec le soutien de RFI. Olivier Poivre d’Arvor et moi-même en étions les animateurs. Mossen Makhmalbaf et Bahman Ghobadi étaient venus spécialement à Cannes pour prendre la défense de leur ami et collègue Jafar Panahi, emprisonné depuis 77 jours. Trois autres intervenants : Mahmad Haghighat, réalisateur, critique et historien du cinéma iranien, Mehdi Abdollahzadeh, critique de cinéma installé en Suisse, et Abbas Bakhtiari, directeur du Centre culturel iranien Pouya à Paris. Shahla Nahid, journaliste et critique de cinéma à RFI, assurait la traduction.

Juliette Binoche vint lire un texte remarquable écrit par Abbas Kiarostami en mars dernier, dans lequel le réalisateur de Copie conforme prend nettement la défense de Jafar Panahi, dont il vante le courage et l’indépendance. Le geste avait une forte portée symbolique et politique, après l’attaque toute récente menée par quelques cinéastes iraniens accusant, en se ridiculisant et en se trompant gravement, Abbas Kiarostami de connivence avec le régime politique sévissant en Iran. Gilles Jacob vint confirmer le soutien actif du Festival de Cannes qui, rappelons-le, avait invité Jafar Panahi à faire partie du jury cette année. Son absence le soir de l’ouverture, le 12 mai, avec l’image d’un fauteuil vide sur lequel était posé la pancarte portant son nom, a fait le tour du monde.

Les dernières nouvelles en provenance de Téhéran concernant la situation de Jafar Panahi ne sont guère réjouissantes. Abbas Bakhtiari lut un message de Jafar Panahi, déclaration en date de mardi 18 mai.

Jafar Panahi nous dit ceci :

« Par la présente je déclare les mauvais traitements subis dans la prison d’Evin.

Samedi 15 mai 2010, les gardes de la prison sont entrés subitement dans notre cellule n°56. Ils nous ont emmenés, moi et mes camarades de cellule, nous ont dénudés et gardés dans le froid pendant une heure et demie.

Dimanche matin, ils m’ont emmené dans la salle d’interrogatoire et m’ont accusé d’avoir filmé l’intérieur de ma cellule, ce qui est complètement faux. Ils ont par la suite menacé d’emprisonner ma famille à Evin et de maltraiter ma fille dans une prison insécurisée dans la ville de Rajayi Shahr.

Je n’ai rien bu ni mangé depuis dimanche matin, et je déclare que si mes volontés ne sont pas respectées, je continuerai mes instants sans boire ni manger. Je ne veux pas être un rat de laboratoire, victime de leurs jeux malsains, menacé et torturé psychologiquement.

Mes volontés sont :

1. La possibilité de contacter et de voir ma famille, et l’assurance totale de leur sécurité.

2. Le droit d’avoir et de communiquer avec un avocat, après 77 jours d’emprisonnement.

3. Une liberté sans condition, jusqu’au jour de mon jugement et du verdict final.

Enfin, je jure sur ma croyance, le cinéma : je ne cesserai ma grève qu’une fois mes volontés assouvies.

Ma dernière volonté est que ma dépouille soit rendue à ma famille pour qu’elle puisse m’enterrer où elle le souhaite. »

Cette dernière phrase est lourde de signification, et prouve le courage et la détermination de Jafar Panahi. La mobilisation internationale doit se poursuivre, et exiger sa libération immédiate. C’était la volonté unanime des participants de la table ronde d’hier.

Une des manières de soutenir Jafar Panahi consiste à programmer ses films et les films les plus récents qui ont fait la réputation incroyable du cinéma iranien un peu partout dans le monde.

La Cinémathèque française a pris l’initiative d’organiser « Une Journée à Téhéran », prévue le dimanche 13 juin, rue de Bercy. De nombreux films récents, parmi lesquels Le Miroir de Jafar Panahi, Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, Téhéran de Nader T. Homayoun, Les Chats persans de Bahman Ghobadi, My Teheran for Sale de Granz Moussavi, S.O.S. à Téhéran de Sou Abadi, A propos d’Elly d’Asgahr Farhadi, Pour un instant, la liberté d’Arash T. Riahi, Travelogue de Mahnaz Mohammadi + We Are Half of Iran’s Population de Rakhshan Bani-Etemad. En avant-première, le film de Rafi Pitts : The Hunter. Des débats, rencontres jalonneront cette journée du 13 juin 2010, un an tout juste après les élections très contestées d’Ahmadinejad. Entre autres, un dialogue entre Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003, avocate et défenseur des droits de l’homme, et Jean-Claude carrière. Voir informations pratiques et plus complètes sur le site : www.cinematheque.fr

Une Réponse à “Pour la libération de Jafar Panahi”

  1. samia harrar a écrit :

    C’est terrible de lire ainsi les dernières volontés d’un cinéaste emprisonné, dans un pays qui n’est plus depuis longtemps un Etat de droit. Jafar Panahi doit souffrir plus que tout pour sa famille qui n’est pas en sécuité là-bas à Téhéran. C’est horrible de se dire que ses tortionnaires pourraient avoir gain de cause. Le cinéaste jure par ce en quoi il croit par dessus-tout: le cinéma, et on se demande si le cinéma pourra lui sauver sa peau. Pourvu qu’un miracle advienne…