Dans la séquence 1 ( l’impossible rencontre), l’objectif était de poser le contexte entre deux collégiens que tout oppose, mais qui pourraient devenir amis. L’important était de les montrer dans leur environnement quotidien, mais de montrer dès le départ que leur rencontre n’est pas évidente.
Dès le plan depuis la roue de vélo, on voulait montrer qu’il y avait une entrave entre eux, une séparation. Ils allaient être les sujets principaux, mais en même temps ce serait difficile de les avoir ensemble dans un même plan ( soit séparés par l’arbre, soit rencontre repoussée, éloignée depuis le point de vue de la roue de vélo).
Dans un extrait de Tetro, vu en classe, les deux frères n’arrivent pas à se rencontrer et le réalisateur prend soin de ne pas les disposer dans le même plan dès le début. Il y a toujours quelque chose qui fait obstacle ( un élément du décor, un cadrage particulier).
Dans Duel, nous avions été intrigués par ce plan qui nous empêchait d’appréhender le personnage qui était comme pris au piège. A travers la roue de vélo, les 2 personnages sont destinés à se rencontrer. Nous, spectateurs, on le sait, on a un temps d’avance…
Ensuite, il s’agissait de suivre Emma de dos au plus près, puisqu’elle devient le personnage principal. Elle défait ses cheveux à l’entrée du collège, au moment où elle se donne une personnalité de façade, qui n’est pas celle qu’elle a montré juste avant l’entrée dans le collège. La suivre permettait de montrer sa popularité dans le collège, en croisant tous ses copains. On voulait une caméra très mobile et vivante. C’était difficile d’avoir ce rendu, sans trop donner le tournis au spectateur. En même temps, on est ainsi plongé dans le brouhaha de leur conversation. On sent alors que venir à l’école est secondaire; ce qui compte, c’est retrouver ses copains. Elle est cependant attirée par un garçon contraire à son groupe qu’elle ne se donne pas le droit de regarder. Ici, nous voulions jouer sur la distance émotionnelle et la distance réelle. Ainsi, au moment où Emma croise le regard de Yohann qui passe, on voulait baisser un peu le son des paroles de son groupe, et les rendre proches l’un de l’autre.
Avant le travail de storyboard, en petit groupe, nous avons revu une scène de Blancanieves, que nous étions allés voir au cinéma ( le moment où le père retrouve sa fille, un moment très fort en émotion, où la distance réelle s’efface un moment pour l’émotion, puis le réalisateur revient à la distance réelle).
Il fallait finir sur une nouvelle séparation entre les deux personnages. C’est le plan des escaliers, où on voulait montrer qu’ils ne prenaient pas le même chemin pour aller en cours en fonction du groupe auquel ils appartenaient. L’influence du groupe est plus forte que les sentiments naissants.
Dans la séquence 2 ( le dilemme d’Emma), il fallait se concentrer sur elle pour mieux la cerner. Elle revoit son bulletin avec la conseillère d’orientation qui la met face à son échec scolaire. Nous voulions montrer que ce moment est violent pour elle qui claque la porte. Dans la cour, nous voulions créer comme un élastique entre elle et son groupe. Elle sort dans la cour bien décidée à mettre de la distance avec son groupe, mais n’y arrive pas. La courte et longue focale ( ce que nous avions appris lors des exercices) nous permettaient de faire la mise au point sur Emma en avant-plan, lorsqu’elle avance vers la caméra et de garder le groupe flou en arrière plan pour montrer qu’elle veut mettre de la distance, de l’intervalle; Puis, nous avons eu du mal avec la caméra et la lumière pour ensuite créer le « net » sur le groupe en arrière-plan au moment où Emma décide de finalement les rejoindre.
Dans la séquence 3 ( la naissance d’une rencontre), nous voulions revenir sur Yohann et ses amis, et montrer une scène d’envie alors qu’Emma observe Yohann en train de travailler et d’être félicité pour son travail. A ce moment-là, le film prend une dimension plus sentimentale . Là encore, nous avons voulu jouer avec la distance émotionnelle entre Yohann et Emma et le retour à la distance réelle quand Yohann la voit s’éloigner avec ses amis. Cela peut faire penser au dernier plan de la séquence visionnée d’ Au travers des Oliviers, où on découvre la distance réelle qu’il y a entre lui et la femme aimée.
Dans la séquence 4 , il fallait aboutir à un éloignement définitif d’Emma par rapport à son groupe. Nous voulions finir dans le plan final par un inversement du plan dans la cour de la séquence 2. Yohann en arrière-plan est flou en longue focale, et il devient net quand il se rapproche d’Emma. Cette fois, ce n’est plus Emma qui décide de l’éloignement, mais Yohann qui prend les devants. La rencontre impossible peut enfin se faire au delà du regard des autres.
Dans les deux cas, Yohann devient une rencontre enfin possible pour Emma.