Archive pour le 19.04.2008

Quand le cirque rencontre le cinéma

samedi 19 avril 2008

Hier soir au Théâtre de la Ville : Au revoir parapluie, le spectacle de James Thierrée produit par la Compagnie du Hanneton (c’est la reprise d’un spectacle créé en 2007). Éblouissant, magique. On cherche les mots pour décrire un tel moment d’euphorie. Ils sont cinq sur scène. James Thierrée et ses quatre complices : Magnus Jakobsson, mime et acrobate, irrésistible ; Kaori Ito et Satchie Noro, magnifiques danseuses, souples et légères ; et Maria Sendow, comédienne et chanteuse. L’enfance de l’art, là, sous nos yeux ébahis. Ils savent tout faire, prennent des risques, grimpent à des cordes, s’accrochent à des anneaux, à cinq mètres du sol, dégringolent à la vitesse du vent, jouent et s’amusent, défient l’apesanteur, s’embrassent et s’enlacent, se mêlent et s’entremêlent. Tout cela est fait avec une précision diabolique, un métier et une rigueur rares. Et le miracle vient de ce que le moindre geste, chaque posture, chaque torsion physique, chaque prise d’élan, dégage une poésie et une grâce comme on n’en voit que très rarement.

L’imaginaire de James Thierrée, c’est le cirque. La troupe, où les rôles se répartissent et se partagent, où chacun supplée l’autre, prend la balle au bond, s’accroche à son cou, courre et danse, chute et se relève ou bien fait la roue. Outre le cirque, il y a l’imaginaire du cinéma. Le cinéma muet, avec bruitage, sons originaux, sens de la rythmique. Lorsque, pieds nus, chemise blanche, James Thierrée s’avance sur le devant de la scène face à la salle comble du Théâtre de la Ville, ouvre grand la bouche et s’écrie et qu’aucun son, pas le moindre, ne jaillit, on comprend tout : ce jeune homme splendide a tout vu et tout compris de Chaplin (qui était son grand-père : la ressemblance physique est frappante !) et de Keaton, mais aussi des Marx Brothers. Ou encore de Cocteau (la dimension orphique du spectacle), ou encore de David Cronenberg : cette forme de larve à échelle humaine qui avance à quatre pattes (La Mouche), ou encore la machine à écrire monstrueuse, qui m’a fait penser au Festin nu (Naked Lunch). Onirisme fantastique, burlesque, vaudeville, tout y est, sans jamais peser. La greffe entre le cirque et le cinéma produit une sorte de miracle, et ce miracle vous est offert par cinq enfants qui ont la fantasmagorie et le mime dans la peau. Véritable symphonie des objets, chaque scène du spectacle construite tel un tableau vivant, recherche une perpétuelle gestuelle du déséquilibre. Le point de vue change, on passe du plan d’ensemble au gros plan, la scène s’agrandit ou se rétrécit, James Thierrée est près à faire le saut et à devenir cinéaste. Poésie de l’enfance, tout cela transmet au spectateur un sentiment de joie immédiate, palpable. A la fin, la salle est debout, enthousiaste et remercie les artistes.

C’est jusqu’au dimanche 27 avril. Location et renseignements : 0.42.74.22.77.