Archive pour le 30.03.2009

Stella de Sylvie Verheyde

lundi 30 mars 2009

stella1.jpgHier, dimanche matin, projection de Stella, le troisième film de Sylvie Verheyde, à 11 heures. L’heure ayant changé dans la nuit, Sylvie Verheyde est arrivée en retard. La projection commence sans elle. Je revois le film avec un immense plaisir. Stella est un des meilleurs films français récents. D’une incroyable justesse, sur l’enfance et le début de l’adolescence.Stella Vlaminck est le nom de l’héroïne principale. Ses parents tiennent un bistrot populaire. La fille est laissée à elle-même, lycéenne dans un établissement parisien où elle est de fait déclassée, socialement et culturellement. Stella a du mal à suivre, à s’intéresser aux cours des profs ; elle vit sa vie de jeune fille, solitaire. Elle se fait une formidable copine, prénommée Gladys (Mélissa Rodriguez, elle aussi géniale). Rousse, marrante, juive d’origine argentine. Gladys se débrouille mieux à l’école. Plus bûcheuse, elle est déléguée de sa classe. Stella a besoin de sortir d’elle-même, d’appréhender le monde, de faire confiance. En classe, elle n’écoute pas les professeurs, ne fait pas d’effort, s’enferme un univers secret. Entre elle et les autres, il y a comme une vitre. Les notes sont mauvaises. Les parents ne sont pas fiers.Sylvie Verheyde fait parler Stella en voix off, si bien que le spectateur est de plain-pied avec le personnage. L’histoire est filmée à hauteur d’enfant, du point de vue de Stella. Les scènes de classe sont filmées de manière classique, selon les règles scolaires qu’il faut apprendre ou respecter. Les scènes familiales dans le bistrot sont tournées caméra à l’épaule, car ça chahute beaucoup dans le bistrot. Le monde des adultes est fermé, violent, bruyant, alcoolisé. Personne ne fait vraiment attention à la gamine, qui voit tout et comprend tout. Un client,Alain Bernard (Guillaume Depardieu) est attentif à la petite, il est son héros en quelque sorte, son « ange protecteur ». Tout cela est filmé avec justesse et grâce. A vif. Sans aucun pathos. Jamais larmoyant.Parmi les moments les plus émouvants, celui où Stella découvre, seule, le plaisir de la lecture. On la voit entrer timidement dans une librairie. Craintive, se sentant de trop ou comme écrasée par le poids des livres bien rangés, elle cherche et trouve son livre : Cocteau – il m’a semblé qu’il s’agissait des Parents terribles. Plus tard on la voit lire Le marin de Gibraltar de Duras. A partir de ce moment-là, Stella est sauvée. Elle a découvert le plaisir de lire.Sylvie Verheyde a rythmé son film de chansons populaires qui ont marqué l’époque, son époque. Sheila, Gérard Lenorman, Eddy Mitchell, etc. Le film se déroule en 1977, comme en attestent les habits, la DS du père et les chansons. Pourquoi 1977 ? Parce que l’auteur raconte sa propre enfance. Très beau moment, quand les parents de Stella (Benjamin Biolay et Karole Rocher, tous deux excellents) accompagnent la petite chez la grand-mère paternelle dans le Nord. Stella y retrouve Geneviève, une copine dont les parents sont alcooliques, le père au chômage. Le pays est plat, s’éloigne à perte d’horizon : rien à y faire sinon s’amuser sur une décharge, faire du vélo ou se faire draguer par des garçons désoeuvrés. A la fin, Stella réussit à passer en classe supérieure. Elle le mérite, et cela fait plaisir à ses parents qui, après s’être disputés, vont peut-être se réconcilier. Il n’en tient qu’à eux. L’important est que Stella s’est ouvert un horizon. Quelque part, avec sa copine Gladys, une lueur d’espoir, la chance de s’en sortir.Les spectateurs, à la fin de la projection, ont applaudi.Sylvie Verheyde nous a rejoints pour une discussion amicale comme on en fait encore dans les bons ciné-clubs. J’étais heureux et fier de l’accueillir à la Cinémathèque. Des films comme le sien redonnent envie de se battre pour le cinéma. Un cinéma vrai et sincère, sans mièvrerie. Cette jeune réalisatrice en est à son troisième long métrage. Elle n’a fait aucune école de cinéma, s’est retrouvée derrière une caméra par hasard. Plus littéraire que cinéphile, nous a-t-elle dit. Elle a joué un rôle dans le premier court-métrage réalisé en 1989 par Noémie Lvovsky, Dis-moi oui, dis-moi non. Cette première expérience lui a donné des ailes.Sylvie Verheyde décide d’écrire un court-métrage (plébiscité au festival de Clermont-Ferrand), puis un autre (labellisé par Canal Plus), puis s’est mis à son premier long-métrage, Un frère, remarqué à Cannes en 1997. Trois ans plus tard, un deuxième film : Princesse, dont elle garde un souvenir plus que mitigé du fait de la production. Parcours atypique, très personnel, qui fait aussi que Stella ne ressemble à rien dans le cinéma français.Sylvie Verheyde a dit aux spectateurs comment elle avait choisi la petite Léora Barbara qui interprète Stella, dès le deuxième jour de son casting. Un feeling, une relation de confiance, le partage des responsabilités entre une gamine et la réalisatrice. On sent que tout cela s’est fait avec une attention et un talent incroyables. Un spectateur a demandé comme s’était comporté Guillaume Depardieu sur le tournage. Comme un ange gardien, a répondu Sylvie Verheyde. Un rôle secondaire, mais que l’on remarque : un personnage lumineux, éclairé de l’intérieur. Le film s’en ressent. Il a pour lui la lumière et l’enfance. C’est-à-dire l’essentiel.