Archive pour le 16.10.2014

Elle s’appelait Marie Dubois

jeudi 16 octobre 2014

Dominique Rousseau m’a téléphoné hier pour m’annoncer la mort de Marie Dubois, sa mère. Marie Dubois était mariée à Serge Rousseau, un homme délicieux qui était agent d’actrices et d’acteurs au sein d’Artmedia, et qui était un ami proche de François Truffaut. Celui-ci aimait beaucoup Marie Dubois, à qui il avait conseillé d’adopter ce nom tiré d’un roman de Jacques Audiberti, « parce qu’elle incarne toutes les femmes en une seule. C’est elle qui conduit le taxi dans Paris, ou qui prépare son agrégation de philo, ou mieux encore, c’est elle qui prépare son agrégation le jour en conduisant son taxi la nuit. » En 1960, Truffaut avait fait faire des essais à la jeune comédienne en vue de lui confier le rôle de Léna dans Tirez sur le pianiste. Ces bouts d’essais figurent dans l’exposition consacrée à François Truffaut à la Cinémathèque française : on y voit une jeune femme moderne, les yeux rieurs mais pudiques, répondant aux questions du cinéaste dont on n’entend que la voix. A un moment, Truffaut lui demande de s’énerver et de lui dire des gros mots : Claudine Huzé, qui ne s’appelle pas encore Marie Dubois, avait bien du mal à dire des gros mots… Elle est magique dans Tirez sur le pianiste, où elle fait couple avec Charles Aznavour. Elle le défend, le protège, lui le timide pianiste surdoué qui a échoué dans un bastringue à Levallois. Il y a cette scène où elle descend avec lui à la cave, après qu’il ait tué Plyne, le bistrotier amoureux, d’un coup de couteau, par légitime défense, pour le cacher des policiers. Aznavour est comme un enfant protégé par la femme qui l’aime. Ce motif de l’homme protégé par la femme amoureuse traverse toute l’oeuvre du cinéaste.

J’ai revu le film hier après-midi, juste après le coup de fil de Dominique Rousseau, à la Cinémathèque, avant d’animer une discussion avec des jeunes cinéphiles de L’Autre ciné-club. Revoir la fin du film, le corps de Marie Dubois glissant dans la neige, m’a bouleversé. Tirez sur le pianiste ne raconte pas la vie mais le rêve, la féérie, la fantaisie. Hélas, je l’ai revu hier comme un documentaire puisque Marie Dubois n’est plus.