Archive pour le 4.07.2015

Une décision sereine

samedi 4 juillet 2015

La semaine dernière avait lieu la présentation de Saison 2015-2016 de la Cinémathèque française, suivie de l’avant-première d’Amnesia, le nouveau film de Barbet Schroeder. Il y avait du monde, il faisait beau et la terrasse des « 400 Coups » était pleine, joyeuse. Barbet Schroeder était fier et ému de présenter son film dans notre maison, se présentant comme un enfant d’Henri Langlois.

La Saison 2015-2016 sera séduisante, attractive, l’une de nos plus belles depuis 2005, l’année de l’installation de la Cinémathèque française rue de Bercy dans le bâtiment de Frank Gehry. Les visiteurs découvriront deux expositions, l’une consacrée à Martin Scorsese (14 octobre 2015 au 14 février 2016), la seconde à Gus Van Sant (au Printemps 2016), qui montrera photos, collages, tableaux et bien sur les films d’un cinéaste contemporain parmi les plus novateurs. Côté programmations, des cycles variés alternant diverses périodes de l’histoire du cinéma, genres, auteurs ou acteurs : Sam Peckimpah, dès la rentrée de septembre, Mathieu Amalric, acteur et réalisateur, qui conviera de nombreux invités pour évoquer avec lui son travail, son incroyable gestuelle, sa mobilité « alternative » entre les films de Desplechin et ceux des frères Larrieu, sans oublier son expérience avec Spielberg ou Cronenberg ; rétrospective consacrée à Philippe Faucon, dont on verra en avant-première Fatima, qui sort au mois d’octobre, et une rétrospective consacrée à Miklós Jancsó, dont l’œuvre, à la fois politique et formelle est à redécouvrir. Plus tard, des rétrospectives consacrées à Raoul Ruiz, John Huston, Gérard Depardieu, Im Kwon-taek… L’art de conjuguer le cinéma sur tous les tons.

Cette présentation de Saison aura été ma dernière. J’ai en effet décidé de mettre un terme, le 31 décembre 2015, à mes fonctions de directeur général de la Cinémathèque française. C’est le fruit d’une longue réflexion, sereine, et prenant en considération plusieurs éléments. D’abord celui d’avoir accompli beaucoup de choses, grâce à la confiance de Costa-Gavras, président de la Cinémathèque, celle du conseil d’administration, et celle de la tutelle publique : le ministère de la Culture et le CNC. Grâce surtout au travail collectif intense mené avec les équipes de la Cinémathèque. Tant d’énergie et d’imagination pour mener à bien tous nos projets, dans des domaines très variés : l’enrichissement des collections, leur valorisation au travers d’expositions, de catalogues, de programmations, d’activités culturelles et éducatives, de restaurations de films, de partenariat avec d’autres institutions, en France et dans le monde. Il reste beaucoup à faire, mais je suis convaincu qu’un autre, homme ou femme, pourra à ma place poursuivre cette aventure, mieux que je ne saurais désormais le faire moi-même.

Il entre dans ma décision le désir de passer à autre chose. Cela se résume pour moi à écrire sur le cinéma. J’en ressens le besoin, le temps passe. J’aurai ainsi passé près de treize années à la tête de la Cinémathèque française. Presque un record ! Je ne me compare évidemment pas à Henri Langlois qui, à une autre époque, tint les rênes de l’institution durant quatre décennies. Il a fallu ce temps pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. Surtout, ne renoncer à rien en termes d’exigence cinéphilique : combien de visiteurs étrangers nous disent à quel point ils admirent cette institution, se collections, ses programmations et ses expositions, ses activités en direction du jeune public ! Impressionnant pour une institution qui fêtera ses 80 ans en 2016.

Voilà, j’ai le sentiment du « devoir accompli ». Bien que cela n’ait jamais relevé du devoir, mais du plaisir, et du sens du partage. Le cinéma, l’amour du cinéma, est une passion qui se partage et se transmet. La Cinémathèque française est le lieu idéal pour incarner cette valeur. Rien ne me fait plus plaisir que de voir de très nombreux jeunes, enfants et adolescents, ou cinéphiles en herbe, passer les portes en verre de la Cinémathèque pour se rendre dans des ateliers éducatifs, ou découvrir un film de Buster Keaton dans la salle Langlois.

Il me reste six mois pour accompagner notre projet, accueillir des visiteurs prestigieux, en premier lieu Martin Scorsese, qui nous a promis d’être présent en octobre, lors du vernissage de son exposition. Et poursuivre la préparation des prochaines saisons. Je m’y consacrerai avec la même énergie, le même plaisir.