Archive pour le 18.12.2010

Fin de “Party” pour Blake Edwards

samedi 18 décembre 2010

L’autre soir, je tombe par hasard sur un film magnifique en noir et blanc programmé sur une des chaînes de cinéma : Experiment in Terror, réalisé en 1962 par Blake Edwards. Un polar très rythmé, avec deux magnifiques acteurs, Lee Remick et Glenn Ford. La fille, qui travaille dans une banque, est menacée au téléphone par un maître chanteur anonyme qui lui demande de piquer une grosse somme d’argent à la banque, sans quoi il s’en prendra à sa jeune sœur. Glenn Ford joue le rôle du policier chargé de démasquer le « méchant ». C’est un film méconnu de Blake Edwards, dont la filmographie est imposante : plus de quarante films, incluant de nombreuses séries télévisées. Depuis, le réalisateur de The Party est mort, le 15 décembre, à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

Sa place à Hollywood est originale, à la fois indépendant et travaillant pour les studios. Il faut dire que sa carrière fut souvent en dents de scie. Des hauts et des bas. Il n’a cessé de se refaire, comme un joueur au casino. Du grand public, il est connu pour avoir conçu et réalisé la fameuse série des Inspecteur Clouseau, avec l’immense et insubmersible Peter Sellers. Tous ceux qui ont vu et revu chaque année The Party (avec le même Sellers) ont une pensée émue et une dette envers Blake Edwards. Y a-t-il un film aussi désopilant que The Party, qui vous met dans un tel état de gaité et de fou rire, au point d’avoir mal au ventre ? Pour moi il est au summum du burlesque, avec cette idée évidente que le comique doit tout détruire sur son passage, comme le fait au début Peter Sellers, figurant sur un gros tournage, appuyant innocemment son pied pour refaire son lacet sur la poignée qui détruit le décor. The Party  a été réalisé en 1968. La même année : Play Time de Jacques Tati, où le décor du restaurant, le « Royal Garden », à peine inauguré terminera en miettes. Il y a des similitudes entre ces deux films, chefs d’œuvre comiques, avec une forme à peine cachée de désespoir ou de mélancolie devant l’apparition d’un monde absurde gavé d’objets et de gadgets modernes.

Retour en arrière : 1982, je découvre Victor/Victoria à la Mostra de Venise. Magnifique comédie (musicale) sur le travestissement. Une femme, la délicieuse Julie Andrews (épouse de Blake Edwards), dans un corps d’homme, une voix d’homme se confondant avec celle d’une femme. Ou inversement. Cinéma parodique, incroyablement rythmé, jouant sur les apparences et les situations cocasses, le désir caché derrière le déguisement et la différence sexuelle. C’est une des grandes questions du burlesque, dont Blake Edwards a été un des champions : comment exister dans le désir de l’autre pour arriver à ses fins ? Ici, devenir une artiste, puisque tel est le désir de Victoria se faisant passer pour Victor.

L’œuvre de Blake Edwards est à (re)découvrir. C’est ce que nous disions l’autre jour, avec Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque. Nous ne savions pas qu’il était sur le point de mourir. Mais notre décision était prise : il y aura sous peu une rétrospective intégrale des films de Blake Edwards à la Cinémathèque française.