Archive pour le 5.02.2012

Retour de Guadeloupe

dimanche 5 février 2012

Il faisait à peu près 30° la semaine dernière en Guadeloupe, où j’étais invité par le FEMI (Festival Régional et International du cinéma de Guadeloupe). Température idéale, autrement plus agréable que celle qui sévit en métropole. On m’avait bombardé président d’honneur, une première pour moi. Tandis que Sonia Rolland, agréable et sympathique – osons le dire : gracieuse – en était la marraine. Le FEMI en est à sa 18è édition, ce qui n’est pas rien. J’avoue ignorer tout jusque-là de cette manifestation dont le rayonnement s’étend à travers toutes les Caraïbes, voire au-delà. Cette année le festival rendait un hommage particulier au Cameroun, au Burkina Faso et à l’Afrique du Sud, en présentant quelques films produits dans ces pays.

J’ai donc découvert la Guadeloupe en y séjournant cinq jours. Accueil agréable et convivial, beauté des paysages, retrouvailles avec quelques amis, dont Charles Tesson qui arrivait du Festival de Sundance où il était allé à la pêche aux films, avec comme objectif la prochaine Semaine de la critique dont il est le nouveau délégué général. Vincent Malausa des Cahiers du cinéma, Richard Magnien, producteur ; ou encore Caroline Bourgine et Osange Silou-Kieffer qui, l’une et l’autre, ont une parfaite connaissance du cinéma des Outre-Mer. Tout s’est d’ailleurs noué à l’occasion de la programmation, à la Cinémathèque en décembre dernier, d’une rétrospective « Cinéma des Trois Océans ». Celle-ci était partie prenante de l’Année des Outre-Mer qui, me l’a confirmé Caroline Bourgine, a été un réel succès partout en France. C’est lorsque j’ai dit à Daniel Maximin, commissaire de l’Année des Outre-Mer, que je n’avais jamais encore été en Guadeloupe, ni à la Martinique et encore moins en Guyane, que quelque chose s’est déclenché. Deux jours plus tard je recevais une lettre d’invitation à me rendre au FEMI, pour en être le président d’honneur… Cela ne se refuse pas et je ne regrette vraiment pas d’y être allé. Merci à Jeanne Fayard, l’instigatrice sympathique à qui je dois cette invitation.

Le moment le plus intense de mon séjour s’est déroulé durant la matinée de samedi (28 janvier), au Lamentin Ciné Théâtre, où étaient projetés les films de collégiens et collégiennes, lycéens et lycéennes de trois établissements scolaires de la Guadeloupe. Encadrés par plusieurs professeurs (mention spéciale à Valérie Vilovar, en charge du FEMI Jeunesse, et à Martine Sornay, Aurélie Delorme et Patricia Monpierre), ces jeunes ont pu montrer leurs travaux, depuis des vues Lumière jusqu’à des courts-métrages allant jusqu’à une dizaine de minutes, réalisés dans des conditions expérimentales et souvent précaires. L’ambiance était incroyable dans la salle, rieuse et gaie, les projections étaient intercalées de présentations par les groupes de jeunes, timides mais fiers de montrer leurs films. Sonia Rolland et moi étions là pour commenter, encourager, et nous l’avons fait avec un vrai plaisir.

Ce qui m’a frappé durant ce séjour, c’est que l’initiative revient aux femmes, du moins dans l’espace culturel qu’il m’a été donné de découvrir. Est-ce un hasard, un trait spécifique à la Guadeloupe ? Il n’empêche que le FEMI tient par et grâce à des femmes. Patricia Lavidange en assure la présidence, Felly Sedecias en est la déléguée générale, Jeanne Fayard la conseillère avisée. Toute l’équipe organisatrice est exclusivement composée de femmes, actives et souriantes. C’est à leur énergie et leur persévérance que le FEMI vit encore. Où sont passés les hommes ? Je ne me permettrai pas de répondre à cette question, même si elle me taraude l’esprit. Certains font de la politique. Ainsi, Victorin Lurel, président de la Région Guadeloupe, qui accueillait dans les jardins du Conseil régional, à Basse-Terre, la soirée d’ouverture du FEMI, vendredi 27 janvier. Depuis deux ans, la Région a décidé de s’engager auprès du FEMI, en augmentant sensiblement son concours financier. C’est une bonne chose. Plus généralement, Victorin Lurel dans son discours d’accueil a mis l’accent sur le développement d’une politique spécifique à la Guadeloupe en matière de production cinématographique, d’accueil de tournages. Un écueil réel, dont il a soulevé le caractère à la fois singulier et désuet : le fait que les départements d’Outre-Mer, Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, ne sont pas soumis à la TSA, la taxe qui régit en grande part l’organisation du cinéma en Métropole. La bataille est lancée, les politiques sont interpellés, il va falloir  que les règles de la République s’appliquent partout, y compris dans ces départements. La situation de monopôle dont jouissent certains distributeurs et exploitants locaux a fait en sorte que jusqu’à aujourd’hui, cette réglementation essentielle du cinéma français ne s’applique pas dans certains territoires. Elle est un frein au développement local du cinéma.

Autre moment très agréable : le petit voyage en autobus jusqu’à Deshaies, très jolie petite commune située à 40 kms du Gosier où nous logeons. Ambiance très chaleureuse dans le bus, on s’arrête pour admirer la vue sur la mer et pour (se) prendre des photos. À 11 heures, nous sommes accueillis à la Bibliothèque municipale où Sonia Rolland, Dorylia Calmel, jeune actrice dans le film de Sara Bouyain Notre étrangère, et moi-même sommes conviés à parler de nos « parcours de vies ». Quoique ayant chacun des expériences très diverses, nous eûmes plaisir à échanger et à partager notre passion commune du cinéma.

En cette fin de journée de dimanche, Osange Silou-Kieffer et Caroline Bourgine m’emmènent dîner chez Simone Schwarz-Bart, dans sa belle maison tropicale. Dîner succulent, avec en bruit de fond le tintamarre des grenouilles. Nous parlons de tout, de la végétation, mais aussi de politique (François Hollande est passé récemment dans l’île), des rivalités locales (elles sont non seulement permanentes, mais structurent la vie politique de la Guadeloupe), des archives de son défunt mari, l’écrivain André Schwarz-Bart, mort à Pointe à Pitre en 2006. Il y a urgence à créer un centre, un lieu spécifique dédié à cet écrivain qui a voué une partie de sa vie à célébrer la beauté de la Caraïbe. Sans quoi l’humidité fera des ravages…

Le lendemain je suis heureux de retrouver Nathalie Bourgeois et Vincent Deville, qui viennent animer des ateliers de formation pédagogique destinés à des enseignants de la Guadeloupe. Grâce à eux, la Cinémathèque française entreprend un partenariat fructueux et de longue durée.