Archive pour le 6.11.2007

Serge Rousseau, un homme de qualité

mardi 6 novembre 2007

On a appris dimanche la disparition de Serge Rousseau, un homme d’une grande qualité et d’une grande gentillesse, décédé la veille.

Serge Rousseau était agent d’acteurs. Une figure historique et très appréciée à l’intérieur du cinéma français. Il a longtemps travaillé au sein de l’agence Artmédia aux côtés de Gérard Lebovici, puis de Jean-Louis Livi, avant de rejoindre Cinéart. Il avait entre autres été l’agent de Fanny Ardant, de Nathalie Baye, de Patrick Dewaere, ou de Sandrine Bonnaire. Et surtout, il avait été l’ami de François Truffaut. Un de ses plus proches. Je serais tenté de dire son confident. Dans Baisers volés, Serge Rousseau faisait une apparition vers la fin du film : celle de « l’Inconnu », celui qui, vêtu d’un imperméable clair, suivait à distance Claude Jade et Jean-Pierre Léaud, l’air inquiétant. Et qui disait à Claude Jade, assise sur un banc de l’avenue de Breteuil : « Avec moi vous n’aurez plus peur, car j’incarne l’amour : l’amour définitif ».

Dans La Chambre verte, il n’apparaît qu’en photos dans le film, incarnant Paul Massigny, le rival de Julien Davenne, le personnage principal interprété par Truffaut lui-même. Dans La Mariée était en noir, Serge Rousseau apparaît à peine dans le rôle du fiancé de Jeanne Moreau, que l’on abat d’un coup de fusil lors de la sortie de l’église où le couple vient de se marier. Et c’est pour lui que Julie Kohler se venge…

Truffaut aimait ainsi lui confier des rôles, comme des clins d’œil amicaux.

L’autre lien de Rousseau avec Truffaut, c’était bien sûr Marie Dubois. Car Serge était le mari de Marie Dubois, la magnifique Marie Dubois de Tirez sur le pianiste et de Jules et Jim, et de beaucoup d’autres films. Truffaut aimait Serge et Marie, l’un et l’autre, et les deux ensemble. Il aimait leur couple.

Lors des funérailles de Truffaut en octobre 1984, Serge Rousseau avait pris la parole au Cimetière Montmartre. L’autre orateur était Claude de Givray, scénariste (Baisers volés, Domicile conjugal) et cinéaste, lui aussi très proche du cinéaste. Truffaut leur avait confié ce rôle pas très marrant consistant à prendre la parole devant sa tombe.

Serge Rousseau était un homme charmant et délicat, toujours curieux de découvrir de nouveaux talents. Il avait débuté comme acteur, dans un film programmé il y a tout juste une semaine à la Cinémathèque : Les Mauvais coups de François Leterrier, d’après le roman de Roger Vailland. Serge Rousseau y incarne le fiancé d’Alexandra Stewart, la jeune et jolie institutrice qui débarque dans un village et qui tombe sous l’emprise de Roberte (Simone Signoret). Un rôle secondaire.

Comme d’autres, Serge Rousseau avait voulu être comédien, avant de se décider à devenir agent. Un agent s’occupe de la carrière d’acteurs. C’est parce qu’il connaissait les acteurs, leurs angoisses et leur talent, que Serge Rousseau s’en occupait si bien. Il l’a fait tout au long de sa vie avec une grande intelligence et une belle intégrité.

Il y a quelques années, cinq ans à peine, je lui avais demandé d’être la voix de François Truffaut : concrètement, de lire le Journal de tournage de Fahrenheit 451, ce texte très important que Truffaut écrivit, au jour le jour, à partir de janvier 1966, lorsqu’il tournait à Londres dans les studios de Pinewood son unique film de langue anglaise. Serge s’était prêté au jeu avec talent, et ce document assez unique figure en bonus dans le DVD de Fahrenheit 451 (édité chez mk2) sur des images du film : on entend la voix de Serge Rousseau lisant de longs fragments du journal de tournage de son ami Truffaut.