Archive pour le 24.02.2008

Le cinéma des César

dimanche 24 février 2008

Vendredi soir, les César célébraient leur 33è cérémonie au théâtre du Châtelet. Les professionnels du cinéma (pas tous, loin de là) étaient réunis pour récompenser les meilleurs. Dire que cette cérémonie est aussi le miroir des professionnels du cinéma français est une banalité. Sur scène, il y en a toujours un ou une pour reprendre le refrain de la grande famille du cinéma français. Et d’autres de s’amuser à jeter de l’huile sur le feu ou à balancer quelques piques plus ou moins talentueuses. Le maître de cérémonie est chargé d’y mettre de l’humour. Avec plus ou moins de grâce et d’élégance. Cela ne marche pas à tous les coups. Exemple: la sortie d’Antoine de Caunes sur Jean-Claude Brisseau, particulièrement indélicate. Donc, on rivalise d’élégance, on se congratule, on cache sa peine ou sa déception en applaudissant des deux mains l’heureux gagnant, qui n’est évidemment dès lors plus un rival mais un ou une collègue.

C’est aussi le moment idéal (du fait de la présence de la ministre de la Culture) pour dire haut et fort ce qui ne va pas dans les métiers du cinéma, de l’audiovisuel ou du spectacle. Jeanne Moreau s’en est chargée, sans trop appuyer, dénonçant le recul des crédits publics dévolus aux festivals et aux salles indépendantes. Alain Delon fut sobre dans le registre de la nostalgie (message adressé à Romy Schneider). Ne jamais oublier que la profession a de la mémoire et sait honorer les grands disparus.

On connaît les gagnants. Abdellatif Kechiche avec La Graine et le mulet : meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario. Joli triplé, d’autant que Kechiche récidive trois ans après L’Esquive, et n’en est qu’à son troisième film. Et sa jeune actrice, Hafsia Herzi, obtient la récompense du meilleur espoir féminin. Bingo ! Carton plein. Marion Cotillard a obtenu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans La Môme, juste avant les Oscars où elle est retenue dans le dernier carré (le verdict tombera cette nuit). Mathieu Amalric pour son rôle dans le film de Julian Schnabel, Le Scaphandre et le Papillon. Et les autres : Persépolis, etc.

Si on analyse ces votes, on devine assez bien les tiraillements actuels du cinéma français. D’un côté, l’envie de récompenser l’audace : un cinéma né dans les marges et faisant preuve de liberté (La Graine et le mulet). De l’autre, le désir de ne pas rompre avec le cinéma du centre, celui qui se fabrique selon des schémas plus classiques, destiné au grand public. Comme en politique, on vote au premier tour pour choisir, au second pour éliminer. Car le vote des César se déroule selon deux temps. Le premier offre à un grand nombre de films, de réalisateurs, d’acteurs et de techniciens, la chance de participer. Le second resserre les rangs autour de quelques-uns. Beaucoup n’ont pas la chance de passer le premier concours. Et lors du second, les votes se concentrent au maximum, radicalisant les options. Si vous voulez que le film de Kechiche ait des chances de sortir gagnant, alors vous devez voter pour ce film dans toutes les catégories. Idem pour La Môme. Au final, le film d’Olivier Dahan obtient plusieurs récompenses. En plus de celle attribuée à Marion Cotillard : meilleurs photo, décors, son, costumes. Sans que cela soit péjoratif, ces récompenses saluent des métiers (et les talents qui s’y expriment). Pour La Graine et le mulet, les prix ont davantage valeur symbolique, ce sont des choix plus militants. La conséquence c’est évidemment que le cinéma français se resserre sur quelques heureux élus, et que les César ont de moins en moins de chance de représenter la variété ou la diversité des talents. On me dira que c’est le lot de tous les concours. C’est vrai. Le cinéma sur le mode de la compétition, l’idée ne m’a jamais enthousiasmé. C’est la raison pour laquelle je ne vote pas. Je me contente de regarder devant ma télé…

P.S.: C’est gagné pour Marion Cotillard. L’actrice a obtenu, dans la nuit de dimanche à Los Angeles, l’Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation dans La Môme, après le Golden Globe, le Bafta (l’équivalent des César en Angleterre) et le César de vendredi dernier. Du jamais vu pour une actrice française ! Rappellons que Simone Signoret avait remporté l’Osacr en 1960, pour son interprétation dans un film anglais, Les Chemins de la haute ville, de Jack Clayton.